samedi 17 août 2013

Last days.

Nous sommes de retour à Delhi, chez le Colonel qui est ravi de nous retrouver. Nous laissons notre chauffeur qui d'un coup devient d'une froideur extrême, peut-être ne veut-il pas se montrer amical avec des femmes occidentales en ce lieu, devant notre hôte qui ne semble l'apprécier que très modérément. Il insiste cependant pour que nous le rappelions afin de louer ces services pour accompagner mes compagnons à l'aéroport. Pour la 5ème fois il nous redonne son numéro. Il ne souhaite pas que nous passions à son agence pour dire à son boss l'excellent travail qu'il a fourni, la lettre de recommandation de notre main lui suffit largement. Même s'il nous est apparu très absorbé par sa religion, nous avons pu avoir avec lui des discussion assez sérieuses : nous avons parlé de la place de la femme, de l'éducation, du comportement des hommes et de la pauvreté. Il semblait ne pas être touché par tout ça, ça réponse était 'Si tu es bon avec les autres, ils seront bons avec toi. Et nous ne pouvons pas changer le monde nous pouvons seulement faire qu'il soit un peu mieux.' À la réflexion je pense qu'il a un regard dur sur la réalité de son pays c'est surement le moyen qu'il a trouvé pour s'en protéger, à ça , à sa zenitude et à Krishna. Nous le laissons donc devant le 137, Uday Park, il nous dit qu'il va dormir... tu m'étonnes!

Suzanne est au lit, la Malarone lui broie le corps. Je prend un peu de temps pour vous écrire pendant que les autres dorment. Nous rentrons dans une nouvelle phase : continuer les 3 jours de 'vacances' qu'il nous reste malgré la saturation qui nous envahit. Nous retrouvons l'odeur de Naftaline de Delhi, ça m'écoeure, ça me prend à la gorge.

Plus que deux jours de tourisme, quoi faire? Je n'en ai plus du tout envi, comment faire pour profiter de tout ça en laissant le reste de côté. Je veux que mon travaille ici commence, je veux comprendre pourquoi j'ai fait tout ce chemin, pourquoi j'ai gravi autant d'obstacles avec un tel acharnement, honnêtement pour le moment je ne m'en souviens plus.
Il nous reste Old Delhi à visiter, nous avons voulu la semaine dernière mais l'Aid nous en empêchait. Nous sommes prêts à partir jusqu'au moment où nous sortons de la chambre pour prendre le petit déjeuner et que nous voyons le déluge s'abattre sur Delhi. Il y a tellement d'eau que le Colonel prend sa voiture pour aller chercher Yves et Suzanne qui sont logés de l'autre côté de la rue. Pour nous faire passer le temps, le Colonel nous montre un film indien. Mon dieu! 



On dirait du "Plus belle la vie" au bord de la plage avec des couleurs fluos partout, de la musique et une réalisation style "les Experts". Une oeuvre cinématographique improbable qui parle de deux mecs qui se font passer pour des gays pour pouvoir louer un appartement, je ne pourrai pas vous dire comment ça s'est terminé, nous n'avons pas tenu plus de deux heures! Et nous étions là, les trois femmes sur le sofa, les deux hommes dans les fauteuils et la bonne dans la cuisine à regarder un film avec des gays... Le propos du film devait se vouloir avant-gardiste mais traité uniquement par un amas de cliché. Nous étions vraiment dans une autre dimension! Le Colonel est quelqu'un de vraiment très intriguant. Un homme d'environ 65 ans qui a l'air d'être veuf. Très fière de lui, de ses enfants et de son parcours militaire, il accorde ses turbans à ses chemises. Un homme très classe et très éduqué avec une grande culture et semble-t-il une grande ouverture d'esprit. À notre arrivée, il nous a montré son album photo de tous les touristes qu'il a reçu chez lui, nous ferons probablement bientôt parti de la collection. Et donc de tous les films qu'il a chez lui c'est celui-ci qu'il a choisi de nous montrer, intéressant comme choix!

Le colonel nous laisse au milieu du film, nous attendons que la pluie se calme et nous sortons équipés de nos kawais, il fait tout de même 35°. À quatre encastrés à l'arrière de l'auto-rickshaw, je vous raconte pas le bain de cultures! Un petit coup de métro et nous voilà à Connaught place. Un jeune Sikh nous propose son aide après l'avoir suivi pendant 10mn nous nous rendons compte qu'il ne nous emmène pas du tout au bon endroit, encore un rabatteur? Nous nous trouvons dans un quartier circulaire, les blocs s'enchainent et se ressemble, la tête me tourne. Nous tombons sur le cadavre d'un homme maladroitement recouvert d'une sorte de sac en bâche blanche. Il est comme posé là sous les arcades en plein milieu en position foetale. Les gens le contourne et continue leur vie.


Après un resto très chic, où nous ne voyons que des locaux de la haute, nous retournons dans l'enfer des cercles. Au fur et à mesure de nos égarements, nous repassons plusieurs fois devant se corps. Je me sens hantée par cette image. Qu'est-ce qui me choque le plus? Certes c'est la première fois que je vois un mort, mais je sens bien que c'est plus compliqué que ça. La façon dont la vie est traitée, sans importance, comme un objet, ce corps laissé là au même titre que les sacs plastiques et les autres ordures. Et je ne suis pas au bout de mes peines la journée est loin d'être terminée. Nous nous dirigeons difficilement mais surement vers l'Emporium sorte de centre commercial uniquement indien. 
Encore quelques souvenirs achetés à bon prix, je trouve ça bien dérisoire comme préoccupation. Je n'en peux plus je veux trouver un quotidien, plus de surprise, plus de découverte.

L'après midi se termine, retour au métro direction Old Delhi. À la sortie de la station un nouveau Delhi s'offre à nous. Une nouvelle sorte de chaos. Les habitations sont différents, la population n'est pas la même, les rues sont plus petites à tel point qu'ici il n'y a que des 2 roues, des tuc-tuc et des rickshaws, et des piétons bien sur. Que des hommes, toujours sur le parvis du métro je regarde subjuguée autour de moi, Yves mitraille le quartier. Il n'y a que nous, nous sommes les seules femmes dans cette marée humaine. Puisque je ne sais pas par où diriger le groupe je retourne dans la station et demande mon chemin à un policier qui ne sait ni lire ni l'anglais. Un étudiant nous indique le chemin nous décidons d'y aller à pied. Des échoppes magnifiques défilent sous nos yeux, des vendeurs de poignets, de grillages et d'outils se succèdent. La nuit s'installe progressivement. Je me sens vraiment de plus en plus mal. Dans les autres quartiers, les regards qui font de moi une gourmandise me gène, ici les regards me fuient. On ne m'ignore pas, on me rejette, je me sens intrus, je me sens étrangère. Toutes les trois nous continuons notre progression vers la grande mosquée, Yves où es-tu merde! Arrête de prendre des photos et fait ton coq un peu! 


Les cerfs-volant ponctuent le ciel, nous arrivons enfin, le muezzin lance son appelle à la prière, il est 19h. Nous nous voilons la tête et commençons à nous déchausser 'It's closed." Et merde, on a fait trop de shopping! Partons d'ici, j'étouffe, j'étouffe partout à Delhi.

Retour dans le métro. Sur le chemin je repense à cet homme, j'ai l'impression d'être dans un autre espace temps que celui que je côtoie en France. Jamais je ne pourrai y voir un tel spectacle de négation de la vie et puis en y réfléchissant je me rappelle ces scènes hivernales qui ne vont pas tarder à faire leur grand retour, les SDF que l'on retrouve morts, gelés. Je ne comprend déjà pas que ce genre de scène soit envisageable en Inde, mais ça me révolte de me rendre compte qu'une société aussi riche et soit disant égalitaire qu'est la notre puisse laisser de telles horreurs arriver. Je m'étais promis que je ne me cantonnerai pas à une comparaison entre l'Inde et la France mais là je ne peux pas m'en empêcher.

Nous sommes samedi, dernier jour de tourisme pour moi, enfin, demain je retrouve Vishal mon colocataire.
Nous dormons plus tard pour changer. Au petit-déjeuner, Suzanne me dit que le visage du mort lui est revenu pendant la nuit, même si je n'ai pas d'image de lui, j'ai l'impression de ne plus penser à autre chose. Nous partons ensuite à Dilii Haat. Un petit marché fermé où nous trouvons même une petite terrasse pour prendre un coca. Quelques épices dans le sac, c'est tout ce qui nous manquait.



Retour sur le grand boulevard, un petit coup de métro jusqu'à Qutub Minar. Le quartier qui sera bientôt le mien. Nous décidons que nous allons aller manger dans un quartier près de là. Après ce qui nous a semblé une éternité en pleine chaleur tropicale nous arrivons près d'un hôpital. On en peut plus, vite un tuc-tuc! Et au bout d'un moment de liquéfaction et de broyage de quelque chose pour Yves qui avait Suzanne sur les genoux, l'auto-rickshaw nous laisse sur le bord de la route. Derrière un mur blanc immaculé se cache un petit village pour riche. Nous mangeons un bon repas dans une ambiance de laquelle nous ne voulons plus. Trop de contrastes, trop de manque de considération, trop peu d'humanité. 


Nous allons pour rejoindre le Qutub Minar et nous sommes attirés par une petite épicerie fine aux portes du village d'ivoire, ils vendent du Monin! Non mais franchement! On trouve du Monin à Delhi!! C'est trop cocasse! Nous en achetons une petite bouteille pour notre hôte, à la Grenadine! Et en plus ce n'est pas plus cher qu'en France! Vraiment bizarre cette épicerie!

Un petit coup de Rickshaws et nous voilà au parc. Poumon de verdure au milieu d'un bain de pollution. Un minaret de 42m de haut se dresse gracieusement au milieu des ruines de l'ancienne mosquée. 


Je m'y sens un peu comme dans le forum à Rome, une espèce de lieu figé dans le temps qui a su garder toute sa majesté. La visite se passe bien, nous en profitons pour prendre notre temps, puisque Vinay n'est pas là pour nous presser. Un groupe de jeunes indiens s'approche de moi et me demande une photo, j'accepte. 


Ils sont huit, peut-être plus et ils passent chacun leur tour avoir un cliché avec moi, il me passe la main dans le dos, s'échangent leur lunettes de soleil pour prendre la pause. Je me sens un peu comme Miss France, enfin comme j'imagine que ça doit être, je suis mal à l'aise bien sur! 

"Bah, dit donc ça va se palucher grave ce soir sur ta photo!"
Merci Yves, grande classe!

Ils sont contents, pourquoi est ce que j'ai cet effet sur eux? Nous continuons notre déambulation. Un père de famille m'arrête, des photos encore, il me colle son bébé dans les bras, il a manifestement très peur de moi. Le ciel se couvre, l'air humide se charge d'électricité, il ne nous reste plus beaucoup de temps. La visite touche à sa fin, un autre groupe de jeunes hommes nous arrêtent de nouveau, encore des photos, pas seulement pour moi, maman et Suzanne ont également droit à quelques clichés. Je les sens moins agréable que les derniers mais ils ne sont pas méchants. 


Un car d'espagnols prend la pause avec une famille indienne, rencontre d'étrangers, occidentaux et d'indiens. Il n'y a pas vraiment de peur de l'étranger, mais plus de la fascination, un sorte de passage exotique rajoutant de la valeur, de l'authenticité à ce voyage, semble-t-il... La famille assailli par les espagnols se dirige vers nous pour de nouvelles photos! Je crois que je n'ai jamais été autant prise en photo en si peu de temps. 


Quel est le mythe de la femme occidentale pour les indiens, les enfants, les femmes, les hommes, les jeunes et les moins jeunes, tous ont se regard sur moi, ce regard que je ne comprend toujours pas.

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