jeudi 26 septembre 2013

Untitled.

Après Namrata, je vais vous présenter Rahul. Il a 21 ans et émane de lui de la passion pure. Dès qu'il se met en mouvement la pièce s'anime, apparaissent alors dans le studio vide des centaines d'images. À chaque mouvement, un nouveau monde s'ouvre et se referme aussitôt. Ses pieds au sol semblent puiser de l'énergie dans entrailles de la Terre, cette décharge frénétique le rend vivant et cette ardeur fait naitre en lui la grâce. Je suis seule face à lui et ma caméra essaie de capturer et d'enfermer cet instant de voyage mental qu'il me fait vivre. Son point de départ pour ce projet est le jeu d'échec. 

Il se meut et incarne à tour de rôle les différents pions. À chaque changement de personnage son corps se métamorphose, son visage se transforme. Je suis transportée par tant de beauté et de créativité. Ses mouvements sont précis, forts et délicats. Sous l'impulsion de son corps le plancher vibre jusqu'à moi. Un frisson me traverse alors. C'est la seule conscience que je peux avoir de la matérialité de mon corps, mon esprit lui est déjà loin. Comme dans un rêve, je me laisse bien volontiers aspirer dans ces images auxquelles je ne comprend pas tout et qui ne découlent pas seulement de mon propre imaginaire. C'est le résultat de la rencontre de mon inconscient et du vocabulaire corporel de ce jeune artiste. Quelle chance j'ai de pouvoir m'abandonner à des artistes si singuliers, présentants une telle qualité de créativité. Je n'ai pas l'impression d'être très utile ici, mais réflexion faite j'ai un rôle clé, privilégié et indispensable : je suis le cobaye. Ils m'offrent à tour de rôle l'évolution de leurs recherches. Et je n'ai qu'à être là et à vivre ce petit fragment de temps qu'ils mettent à ma disposition. Je suis comme un notebook dans lequel ils consigneraient leurs inspirations, leurs questionnements et leurs idées. Ce n'est pas si évident, ce rôle d'observateur. Je dois m'abandonner à chacun d'eux, ne penser à rien d'autre qu'à ce qu'ils m'offrent. Et dans un monde où tout n'est que découverte et remise en question pour moi, la première minute d'observation me demande toujours une concentration extrême jusqu'à ce que je me laisse happer par la magie.

Dimanche, j'ai accompagnée Namrata au studio, elle avait un rendez-vous avec Maya, l'une des mentors. Maya doit avoir 70 ans, toujours très élégantes dans des saris chatoyant qui laissent apparaitre les plis de son ventre. Une natte blanche court à l'infini le long de sa colonne vertébrale. Sa voix est grave et derrière ses lunettes ses yeux brillent de fierté pour ces danseurs. Lorsqu'elle parle tout le monde l'écoute avec un respect sans faille et de sa bouche ne sort que la pertinence de l'expérience. Elle a de l'embonpoint voluptueux et une vivacité surprenante mais qu'elle n'utilise jamais gratuitement. Namrata lui montre quelques instants  d'émotion. Maya reste un moment à l'observer en silence. Les deux femmes se regardent avec beaucoup d'intensité comme si elles n'avaient plus besoin des mots après cette démonstration corporelle. Elle finit par délivrer ses impressions, ses sentiments. Ses mots sont précis et justes, sans fioritures. Les yeux de Namrata s'illuminent d'admiration pour son ainée. Elle doit chercher d'avantage de niveaux d'émotions, différentes qualités de sentiments entre l'intérieur et l'extérieur d'elle même. Dit comme ça, ce n'est pas très précis, c'est quelque chose à vivre, quelque chose auquel il faut assister pour pouvoir l'appréhender. Peut-être que bientôt l'expérience sera si forte et singulière que les mots me manquerons.

La résidence est bien entamée maintenant, il  ne nous reste plus que quatre semaines. Les choses sérieuses commencent donc. Après une visite la semaine dernière du théâtre où auront lieu les représentations, cette semaine les danseurs se prêtent à l'exercice de la séance photo. 


Le photographe les dirige un à un. Les danseurs sont un peu pris de court, cette séance est prématurée par rapport à l'avancement de leur travail. Ils ne sont pas tous prêts ni très à l'aise. Le technicien lumière s'ennuie, je donne quelques indications mais je ne veux pas m'imposer. Je donne aux danseurs l'opportunité de faire leurs choix, d'essayer, de se tromper. Je reste dans un coin pour prendre des photos, pour observer. Après deux heures de shopping, ils sont fatigués mais gagnés par un nouvel élan de créativité. Maintenant je vais pouvoir parler avec eux, être plus précise. Depuis plusieurs semaines j'ai déjà mes lumières en tête pour chacun d'eux. Maintenant qu'ils ont vu, qu'ils ont des envies et des idées nous allons pouvoir créer.



Je ne suis pas ici uniquement pour travailler et comme dit mon grand père "Dis donc tu fais pas un peu trop la nouba?!" Et bien je t'enquiquine et je vais continuer à boire de la Vodka!
Vendredi soir, Sabina fêtait son anniversaire. Une fête sur le toit, j'adore! Je ne vais pas vous raconter ma soirée avec mes potes, ce n'est pas d'un grand intérêt! Mais j'ai vécu un moment spécial. À 5h du matin nous n'étions plus que quatre vétérans, les yeux embrumés par l'ivresse à regarder le ciel se teinter progressivement d'ocre et de rose, les tous premiers rayons du soleil fuyants à travers les nuages. Un silence parfait. Sans klaxon, sans oiseaux ni chiens. Rien. Un instant rare à Delhi. La rosée rafraichissante et la brise matinale apaisent le feu de l'alcool. Un moment parfait de plénitude total. Nous sommes restés un moment allongés, les yeux perdus au loin à juste profiter de ce moment de paix. Le retour à la réalité s'est fait en douceur. Autour de nous, les muezzins se sont mis à chanter. Il était l'heure de prendre le premier métro.

jeudi 19 septembre 2013

Holocaste.

Il m'est offert de rencontrer ici un grand nombre de personnes, des jeunes de mon âge pour la plupart.

J'ai passé pas mal de temps avec Parvathi cette semaine. Elle m'a emmenée visiter son université, GNU. Elle ne m'a pas proposé de l'accompagner juste pour visiter mais parce qu'elle devait aller voter pour l'élection du président de la fac ainsi que pour celle de son bras droit et de son bras gauche.



Cette université est plutôt orienté très à gauche à tendance communiste. Devant les différents bureaux de vote des dizaines d'étudiants s'amassent pour pouvoir accéder aux urnes. Ils scandent des slogans et les différents partis s'affrontent à grand renfort de bruits en tout genre, c'est à celui qui criera le plus fort. L'ambiance est bon enfant. 



Les prospectus volent dans tous les sens. Les files d'attente  ne désemplissent pas. Parvathi est partie apporter sa contribution, pendant ce temps je reste à l'extérieur à contempler ce spectacle. 
Je la retrouve rapidement avec des amies à elle. Nous restons un moment à discuter au milieu de la foule. Elles parlent de leur choix, de leurs convictions et me questionnent. Je leur explique qu'en France, les jeunes ne se sentent pas investis d'un tel pouvoir, que des évènements de cette ampleur n'intéressent que très peu d'étudiants. Certains essaient mais échouent et passent inaperçus, loin de passionner la majorité de leur collègues. Elles sont surprises par mon récit. Elles n'en reviennent pas du manque d'intérêt que la jeunesse française a pour la vie politique en général enfin de ce que je peux leur en dire. L'image qu'elles ont de mon pays est la force et la vigueur populaire de Mai 68. Bien loin du néant qu'est la conscience politique de mes jeunes concitoyens - moi inclue surement.





Ce campus est énorme à l'image de ceux qu'on trouve aux USA. Au milieu d'un parc luxuriant, où les paons sont rois, s'élèvent des bâtiments de briques rouges. Le parc est tellement énorme qu'on n'a plus l'impression d'être dans Delhi, le boucan citadin semble avoir disparu même la pollution à l'air de s'estomper. Ici, tout à l'air neuf et vieux à la fois. Sur le chemin du retour vers Gati, en scooter - J'ADORE ÇA! - Parvathi est excédée. Ses épaules ne peuvent plus tenir face aux responsabilités qui l'écrasent : la famille hyper traditionnelle, le copain allemand, le travail, les études… Elle étouffe dans cette vie, elle suffoque dans ce pays. Je l'invite donc à tout laisser en plan pour quelques semaines, pour venir me rejoindre en France et prendre le temps de découvrir l'Europe, enfin au moins l'Europe de l'ouest. Je crois qu'elle va venir, que ce ne sont pas que des mots. Le temps de s'aérer, de prendre ses distances avec cette vie qui la ronge.

"Avant je n'avais pas d'argent. Evidemment c'était dur, mais j'étais heureuse. J'étais libre de penser et de parler. Aujourd'hui j'ai de l'argent mais je ne suis plus heureuse. Et la seule chose que je voudrais c'est voir ma mère et ça ce n'est pas possible puisqu'elle m'en veut. Elle m'en veut de refuser ce mariage forcé qu'elle veut m'imposer avec cet homme que je ne connais pas…"

Que répondre à ça? Mes quelques mots maladroits de réconfort semblent l'apaiser. Même si ce n'est que pour un instant, je lui ai au moins donné un moment de quiétude. Dans quelques semaines, après la fin de la résidence, elle va rentrer voir sa famille. Elle doit assister au (re)mariage de ses grands-parents. Il est de tradition dans la culture indienne que lorsque l'homme et la femme ont atteint tous les deux 80 ans et qu'ils sont toujours en vie, de se marier de nouveau. Symbolisant ainsi le fait qu'ils ont vu passer ensemble 1000 pleines lunes. Bon je ne suis pas sure d'en avoir compris toutes les dimensions, mais j'en apprécie la poésie. Elle ira donc participer à cet évènement et Peter a décidé de l'accompagner. Une belle surprise pour la belle famille qui ne connait pas son existence…



Samedi je l'ai accompagné à la fac pour un workshop autour du corps et de la méthode élaborée, il y a quelques décennies, par Jacques Lecoq, metteur en scène français. Cette fois-ci je ne fais pas que regarder, il m'aura fallu plus d'un mois pour accepter de faire quelque chose avec mon corps. Sur le sol de marbre blanc, les exercices s'enchainent. Ce n'était vraiment pas une bonne idée de mettre mon jeans aujourd'hui! La pensée devient signe, puis mouvement pour finir par construire tout un répertoire chorégraphique. Chacun propose un mouvement que les autres s'approprient, et petit à petit nous construisons un dialecte commun qui nous est propre. Je ne suis pas danseuse, et je ne pense pas que ce soit 'mon truc' mais d'expérimenter après avoir beaucoup observer m'apporte de nouvelles clés, de nouvelles sensations. Un théâtre du geste m'apparait comme une évidence. Au delà de la danse, au delà des mots, un nouveau langage s'offre à moi, un langage universelle ou presque mêlant le corps et les sens, l'imaginaire, les souvenirs et l'émotion.
Après ces exercices, nous essayons quelque chose de différent. Les yeux fermés ma main gauche sur l'épaule de ma partenaire je cours dans cette espace circulaire. Je ne pense à rien, mes jambes me portent, elle accélère. Je ne ressens ni crainte, ni appréhension. L'espace ne m'apparait que par les faibles variations de lumière et par le souffle des ventilateurs. mon corps essoufflé cours sans relâche alors que mon esprit se libère.


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Le soir même, je passe la soirée avec Sameesh et Nilay à jouer aux cartes chez Jay. Jay, l'indien qui a tout d'un américain y compris l'accent ça change! Ils parlent en hindi, se racontent des blagues. Ça ne me gène pas de ne pas comprendre, je passe un bon moment. Je profite simplement d'être avec des amis, même si je suis de fait à l'écart, je baigne dans cette ambiance festive, je n'ai pas besoin de plus pour passer une bonne soirée. Je suis mal à l'aise et pas seulement parce que je suis la seule fille au milieu d'une discussion entre mecs buvant du whisky à l'eau. La famille de Jay est riche et probablement plus que ce que je peux imaginer. Je suis gênée d'être servie. Au petit matin, après une nuit très courte, des employés de maison nous apportent le petit déjeuner. Un des hommes me tend une tasse de thé puis le sucre, puis il reste là, penchée vers moi attendant patiemment que j'ai fini. Cette situation est très inconfortable. Autour de moi, mes amis sont tout à fait détendus. Les employés sont considérés plutôt avec respect, un peu comme la bonne chez le Colonel. Ils sont plutôt bien traités mais je n'arrive pas à trouver cette situation tolérable. Je ne sais pas trop où je voulais en venir et je sens bien que je ne suis pas claire mais ce moment autour de ma tasse m'a trop marqué pour que j'oublie d'en faire part.



BREF

Avec Jay et les autres, nous retrouvons Sabina, sa nouvelle coloc' Johanna et Ankit pour une petite visite du quartier tibétain au nord de Delhi.



À table, en dégustant des nouilles délicieuses, Jay me parle de son passé, de sa famille. Il m'apprend qu'il est Sick. Je suis étonnée, d'habitude les Sicks ne se cachent pas, arborant un turban plus qu'identifiable, je croyais même que c'était une obligation. Mais contrairement à d'autres, il ne le porte pas et il a choisi à la place une coupe courte. Il a fait ce choix avant de partir vivre aux USA.
Il m'explique que là-bas, la peur du terrorisme est trop forte et qu'un homme barbu avec un turban est synonyme de fidèle d'Al Qaida. Et si vous doutez de cette réalité, je vous invite à regarder ce qu'il s'est passé suite à l'élection de Miss America il y a quelques jours. Toute cette déferlante de haine sur les réseaux sociaux illustre bien cet crainte dont mon ami me fait part. Evitons cependant de faire des généralités. Il me dit que comme son père avant lui, il est un rebelle, que ça n'a pas été facile pour lui surtout avec sa famille mais que c'est une question de rôles. Si tu te positionnes comme allant à l'encontre de la tradition et que tu l'assumes, les gens finissent par l'accepter et par te respecter. Je ne comprends décidément pas très bien les subtilités de cette culture.
Assis à côté de lui, Ankit à l'inverse se définit comme étant dans le respect des règles. Issu d'une famille ultra conservatrice et fils unique il n'a pas vraiment le choix. À 27 ans, il va être temps pour lui de se marier. Il m'explique alors qu'il peut choisir sa femme mais rentre alors en jeu le système toujours aussi présent des CASTES. Je pensais que cet archaïsme n'était plus d'actualité, au moins dans les grandes villes, je me trompais. Bien sûr dans les campagnes rien n'a changé et dans les villes ce système reste celui qui prime. De plus en plus de gens ont la liberté de faire un mariage d'amour mais ça reste tout de même une exception. Tout dépend de la famille dans laquelle vous êtes. Il peut donc choisir, enfin presque, cette personne avec qui il va partager le reste de sa vie. Elle doit cependant appartenir à la même caste, assez élevée si j'ai bien compris, et à la même sous-caste. Cette femme ne peut pas être d'une caste inférieure, même si elle gagne plus que lui. Je suis bouche bée. Je ne sais vraiment pas quoi dire et je ne sais pas ce qui me choque le plus : ce système autoritaire ou le fait que quelqu'un d'aussi jeune et éduqué puisse renoncer à ses libertés. Il connait l'Europe et a d'ailleurs fait un échange à la fac de Strasbourg (… le monde est petit, je sais c'est nul mais j'étais obligée de le dire!). Je lui demande pourquoi, en essayant d'être la plus polie possible, il n'est pas reparti dans un pays qui lui offrait plus de liberté. Il me dit d'abord que en Inde ce qui prime c'est la famille, et que comme la sienne est ici il ne peut se résoudre à partir. Il me dit ensuite qu'il aime son pays et qu'il ne pourrait pas vivre ailleurs. Il m'avoue quand même que durant son séjour à l'étranger, il n'avait plus envie de rentrer mais que peu importe la vie qu'il avait en France ce n'était pas la réalité et qu'à un moment il a bien été obligé de redescendre sur terre. Il me fait remarquer que c'est un peu la même chose pour moi, je suis ici sans responsabilités, sans contraintes, juste pour le fun mais ce n'est pas ma vie. Et dans un mois maintenant je devrais reprendre les choses où je les ai laissées.



Les photos qui suivent n'ont pas forécment à voir avec le récit, juste des souvenirs du Tibetan Market






mardi 17 septembre 2013

Authentic.

Bon je suis quand même venue jusqu'ici pour travailler donc après plus d'un mois en Inde - Et oui déjà! - il serait temps que je vous en parle. Mon travail ici est d'accompagner les danseurs dans la création de leur pièce.

Je vais d'abord vous parler de Namrata et d'elle je ne vous en parlerai pas seulement d'un point de vue artistique puisqu'elle est beaucoup plus que ça. D'abord elle m'offre un toit, sa confiance et son amitié. Evidemment, il y a beaucoup de différences entre nous, surtout culturelles. Mais nous apprenons l'une de l'autre. Elle me parle de ses choix, de sa philosophie de vie, de sa religion et je l'écoute. Cette relation est si facile et agréable que j'apprend à être plus ouverte, plus à l'écoute. Rassurez-vous je ne suis pas devenue une hippie qui ne vit que pour Krishna. J'ai toujours des idées très tranchées mais je cherche à ce qu'elle partage avec moi et qui est si loin de ma vie face écho à ce que je suis. Lundi dernier elle m'a emmené voir un spectacle de danse traditionnelle, sur le chemin du retour elle me parle d'un ami musicien qu'elle a connu il y a dix ans. 

"Il m'a dit que le moyen de vivre sa vie pleinement est de faire des choix et des changements radicaux tous les trois ans. - un silence - Depuis, il s'est suicidé!"

Un fou rire est monté en nous provoqué par l'ironie de cette situation. Pour moi ça n'allait pas plus loin, pour elle c'était quelque chose de positif, puisqu'il a surement du accéder à autre chose maintenant.

"Je vis ma vie comme un rêve et je rêve avec la même intensité que si c'était la vie. Parce qu'après tout, qu'est ce qui nous prouve que ce qu'on pense être la vie est bien réel?"

Chers amis cartésiens, j'entend jusqu'à New Delhi vos poils se dresser d'effrois et d'agacement! De mon côté, que j'adhère ou non à ses propos n'est pas si important. J'essaie juste d'entendre autrement ce qu'elle me dit, de voir au-delà, de m'en servir pour ajuster un point de vue, de faire un peu d'anthropologie et si je ne trouve rien, je peux juste en apprécier la poésie.
Je ne vous parle pas de mon boulot là, vous me direz. Et bien je n'en suis pas si sure, nous verrons…


Namrata comme je vous les dis précédemment est partagée entre la tradition et la modernité, entre la danse et le chant, entre l'Europe et l'Inde. Partagée certes, mais plutôt inspirée et nourrie par toutes ces richesses que peuvent lui apporter ces deux cultures. Elle veut profiter de cette résidence pour avoir le temps d'expérimenter tout ça… avec moi. Elle cherche l'impulsion, l'endroit d'où né le son du corps, le son du mouvement et le mouvement de la voix. Pour elle, ce travail est une collaboration, pour moi aussi, un travail d'équipe auquel nous nous joignons toutes les deux, mais je suis frustrée. Pour le moment ma participation est minime. Je la soutiens dans ses choix artistiques et je lui offre mon regard et mes émotions. Même si pour le moment elle n'est pas très disponible, nous avons déjà fait quelques essais. Elle hurle, souffle et se gonfle, rit à la recherche d'émotions pures. Son corps se métamorphose, devient une masse informe ou un animal puis bascule dans un moment de féminité absolue. Ce n'est pas à proprement parlé de la danse enfin pas ce qu'on pourrait en attendre. La danse n'est qu'un assemblage de signes corporels pour faire naitre chez celui qui regarde une émotion. Si on garde cette idée en tête alors, oui c'est de la danse voire même de la danse des origines, dénuée de toutes barrières culturelles ou politiques. Lors de nos séances de travail en tête à tête, elle m'offre des trésors. De la danse à l'état brute. De la danse sans concept, sans réflexion, sans égo. Juste un moment parfait de danse.
Comme moi, elle est en quête de l'émotion, à la recherche d'une révélation, d'un souffle cristallin de sensations originelles, et comment la donner à vivre. En séance de travail elle m'offre sa vulnérabilité, sa force et face à son corps presque nu, je perd toute ma consistance, tous mes repères. Je n'ai qu'à regarder et vivre ce moment hors du temps. Bon, je vous l'accorde dit comme ça, ça peut faire un peu trip lesbien, mais c'est pas du tout l'idée ici! Nous verrons bien où cela nous mène.
En parallèle à ces recherches, elle m'a invité à venir la voir sur scènes pour ses dernières représentations de katak.

Récit de spectateur : Mardi 11 et Mercredi 12 Septembre 2013


Après une errance dans ce bâtiment où s'enchainent des couloirs infinis aux lumières tamisées à perte de vue, j'arrive enfin devant une salle de spectacle. Cette salle est énorme, au plus près de la scène, une poignée de fauteuils dorés en bois sculpté, juste derrière une rangée de grande table ronde, le couvert est mis et une grosse pancarte 'RÉSERVÉ' en guise de centre de table. Je suis assise dans la troisième partie comme la presque totalité du public. En face de toute cette organisation hiérarchique une petite scène qui parait bien ridicule. Avec Nilay, nous nous assayons à une table proche de la sortie, intimidés, on ne sait jamais! 


Le spectacle commence en retard, normal. Cinq types de danses traditionnelles s'enchainent et se croisent. Se montrant à tour de rôle avec une vitesse incompréhensible ne laissant pas le temps au spectateur de participer. Ici tout est mesuré, chronométré, y compris l'émotion. Toutes ces danses, que cet échantillon commercial commandé par le gouvernement nous donne à voir, sont régies par des codes, des langages chiffrés et définis que les danseurs doivent connaitre à la perfection et le public aussi pour pouvoir apprécier le spectacle dans sa totalité. Le rythme du spectacle, au son d'une musique pré-enregistrée, ne me laisse aucun répit. Je suis frustrée de ne rien comprendre mais encore plus de ne pas avoir la possibilité d'être transportée. Il me manque des clés et tout est fait ici pour que j'en sois bien consciente. J'ai l'impression de regarder un catalogue de la redoute à la section 'mode du monde entier". Oui, c'était joli, oui j'ai découvert des choses. Mais la beauté de la tradition disparait, il ne reste plus que le folklore dénué de sens et d'incarnation. Pourtant je sais que ce n'est pas tout à fait la réalité. Je connais Namrata et son amour pour la tradition ainsi que le respect qu'elle a pour son art. Ici même elle semble vide et désincarnée. Je suis aveuglée par l'artifice ne pouvant apprécier la beauté de ce qui m'est donné à voir.

Deuxième soir, deuxième salle. Ici, comme hier, on sent qu'il y a beaucoup d'argent, de politique et d'égos. Mais, malgré ça je m'y sens mieux. La salle est beaucoup plus intimiste. Il n'y a pas de fanfreluches, de déco rococo, les spectateurs sont assis sur un confortable tapis monumental. 


En première partie, du théâtre kathakali en hindi. Je ne comprend rien. Je peux apprécier la beauté des costumes ou de la musique mais encore une fois, une distance se crée. Autour de moi les gens rient, prennent peur et s'esclaffent, ils participent à la pièce. J'ai l'impression d'assister à une reconstitution historique. Je ne vois que du faux, du folklore. Les artistes s'enchainent, le temps commence à être long. Puis viens le tour de Namrata. 


Comme hier elle danse du kathak, cette fois-ci par contre elle est seule sur scène. Une consécration en somme. Enfin elle n'est pas tout à fait seule puisque cinq musiciens l'accompagnent. Les percussions jouent des rythmes qu'elle retranscrit ensuite en chanson puis en mouvement. Nous y sommes, c'est là qu'est né son désir, c'est de là que vient son impulsion pour sa performance qu'elle travaille pour la résidence. Evidemment je ne peux pas tout appréhender, les différences culturelles sont toujours là. Mais pour la première fois lors d'une représentation traditionnelle - et je commence à en avoir vu quelques unes - je suis transportée par l'interprétation de mon amie. Je retrouve la même force et la même beauté en elle qu'elle soit ici dans sa robe de princesse indienne sous une lumière flamboyante ou qu'elle soit dans le studio de Gati en short et brassière éclairée par la lumière blafarde des néons. Je suis touchée évidement parce que l'affectif  rentre en jeu mais pas seulement, il y a quelque chose d'une grâce suprême qui émane d'elle. D'un côté je ne la reconnais pas, physiquement, son langage corporel est très singulier et à des années lumière de ce qu'elle m'a donné à voir jusqu'à présent. Maquillée et coiffée ainsi, j'ai vraiment l'impression de regarder une autre personne. Et en même temps maintenant elle m'apparait dans sa globalité maintenant je comprend qui elle est. Elle ne finira pas sa présentation, trop émue, elle a décidé de mettre le Kathak entre parenthèse pour un moment j'espère pour elle que ça ne sera pas définitif. Durant sa performance, j'ai vu, j'ai oublié le folklore et l'exotisme et j'ai vu. C'était fort, c'était beau, parce que c'était vrai, incarné, habité.
Dans ce pays que je ne connais pas, dans cette culture que je ne pourrais jamais totalement appréhender, je crois que j'ai fini par connaitre quelqu'un, parce qu'elle m'a offert de connaitre toutes les facettes de sa personnalité. Tout ce qui fait d'elle ce qu'elle est.

En attendant la suite je vous offre un aperçu du travail acharné de toute l'équipe au Gati Dance Forum...


Nimit et sa performance entre mouvements et architecture.


Rakesh class and Kathakali class


Meeting with Maya.


Bon d'accord on ne fait pas que travailler!

mercredi 11 septembre 2013

Golden week-end.

Mon errance touche à sa fin, ce soir j'emménage dans un lieu bienveillant. Namrata m'offre de venir dans un studio dans son immeuble. Un peu d'indépendance et de solitude dans cette ville qui grouille. Même si cette semaine n'a pas été très confortable, avec beaucoup d'inconnus et d'incertitudes, je me suis sentie beaucoup plus libre en SDF qu'en ColocataireDuGrosTaréEnManquedAffection. La page se tourne et ma vie reprend son cours 'normal'. J'ai quand même ressenti le besoin de m'aérer suite à cet épisode. Avec une semaine de recul, je me rends compte que ce n'est pas quelque chose d'important et de négatif. Namrata m'a même assuré que c'est une expérience positive "Peu importe ce que tu vis actuellement, il faut que tu te rendes compte que tu as de la chance, regarde toutes les personnes qui sont prêtes à te tendre la main. Réjouis-toi de ça, de cette chance que tu as." Elle a raison et grâce à tous ces gens, je vais bien.

Ruth en fait partie. Elle m'a proposé de l'accompagner pour le week-end avec d'autres amis pour visiter Amritsar. C'est une petite ville (seulement 1 million d'habitants…) du Nord-Ouest du pays, à la frontière pakistanaise. Vendredi soir, 18h30, je retrouve Ruth, sa colocataire indienne Shreya, Judith, Sven et Malte à Nizamuddin railway station.


Nous montons à bord du Golden Temple Express - train couchette - le voyage doit durer 10h, il en durera 13… 



Les vendeurs de boissons, de chips, de glaces et de curry passent en hurlant dans l'allée centrale, peu importe l'heure du jour ou de la nuit… La nuit parlons-en! Elle est pénible, le ronronnement du train nous berce mais le sifflet de la locomotive nous arrache régulièrement à notre sommeil précaire. 



Il fait chaud, mon corps transpirant colle au revêtement synthétique de la banquette. Le réveil est difficile, les corps sont endoloris, les esprits embrumés. Les odeurs nauséabondes nous soulèvent le coeur à intervalle régulier.



Nous sommes arrivés. Il fait plus humide qu'à Delhi, où le temps commence à s'assécher progressivement, mais il fait toujours aussi chaud. Nous suivons Shreya dans l'organisation logistique. 
Le Golden Temple est la Mecque des Sicks. Un temple en Or - merci Huguette pour la traduction! - trône au milieu d'un lac carré, le tout encerclé par des arcades de marbre blanc.



L'eau est paraît-il miraculeuse. Peu importe la croyance, ce que j'ai pu en voir jusqu'à maintenant c'est que dans chaque religion l'eau est purificatrice et salvatrice, l'eau est à la base de la vie (spirituelle). Paradoxe intéressant quand on sait qu'en Inde, pays si religieux, le simple geste de se brosser les dents requiert une certaine vigilance. - Merci Huguette pour cette réflexion d'une profondeur infinie! - Autour du lac, un cloitre géant donc, les fidèles s'y promènent, méditent et dorment. 



Nous trouvons deux chambres aux abords du temple dans un bâtiment du complexe religieux. Chambres réservées aux 'pèlerins' étrangers. 



Juste à côté, un autre cloitre. Les saris sèchent aux balcons teintant de milles couleurs éclatantes ce bâtiment d'un blanc immaculé. Un peu fatigués par notre nuit dans le train, nous décidons d'aller nous asseoir sous les arcades face au temple. Comme partout ailleurs nous ne passons pas inaperçu. Mais ici même si les gens nous regardent, nous ne sentons ni admiration, ni haine, juste de la curiosité tout au plus. Dans ce lieu, tout est fait pour que tous les visiteurs soient traités de la même façon. Bon enfin presque, nous avons eu droit à une chambre contrairement aux indiens qui dorment dehors. Je suis assise sur le marbre chaud, entourée par mes compagnons de voyage, les enfants ont peur, les parents restent un peu avec nous, les enfants pleurent, effrayés par ces étrangers qui font des grimaces idiotes. Un vieil homme s'arrête et m'engueule en penjabi - ça tombe bien déjà qu'en hindi je comprends rien! - me pointant de son index autoritaire, le regard noir. Shreya m'explique que je suis irrespectueuse : mes jambes sont tendues, mes pieds pointés vers le temple. Marque d'irrespect suprême en Inde en général et dans un lieu religieux en particulier. Après ce moment de méditation, nous continuons notre tour du propriétaire. Sur notre gauche, un comptoir près de la rampe d'accès au temple, les gens s'y agglutinent. En bons moutons curieux nous faisons de même. Contre dix roupies nous repartons chacun avec un bol en feuille d'arbre rempli d'une mixture sucrée, il s'en dégage une odeur "sweet" et écoeurante de miel, d'amande et d'un je ne sais quoi dont je me serai bien passé. Nous ne savons pas très bien quoi faire de cette chose, même Shreya semble perdue. Toujours aussi gourmande, je suis la première à me lancer, du bout du doigt (sale bien sûr, ça fait travailler mon système immunitaire) je goûte. Qu'est- ce que c'est gras! D'un geste semblant tomber du ciel tel un couperet, une femme m'arrête "Ce n'est pas pour le manger!" Encore une bourde! À l'autre bout du monde mon côté Bridget Jones est décuplé, je n'en manque pas une! Un peu gênés nous rejoignons une autre file, il fallait d'abord faire offrande d'une partie du contenu du bol avant de pouvoir manger le reste. Nous nous asseyons un moment pour écouter un groupe traditionnel sick, de l'autre côté du cloitre. Je n'ose plus manger mon machin spécial obèse/diabétique maintenant!


Après avoir testé la cour, nous partons à la découverte de la cantine. Dans tout ce complexe Sick, hommes et femmes doivent avoir la tête couverte et les pieds nus. Nous rentrons donc dans l'enceinte du réfectoire. Le sol est trempé, sur le marbre gris se mélangent eau de vaisselle et reste de nourriture. Au loin, on entend les prières qui sont diffusées dans chaque parcelle du Golden Temple. Ici le volume est beaucoup plus fort pour tenter de couvrir le vacarme incessant et métallique engendré par 200 personnes qui font la vaisselle, peu importe l'heure du jour ou de la nuit.


Telle une chasse au trésor, nous n'avons qu'à suivre les indices pour pouvoir manger. Un premier homme nous tend une assiette, à quelques mètres derrière lui une deuxième nous tend un bol et après quelques marches un troisième nous donne une cuillère. Un escalier à monter, on nous indique une place où nous asseoir. Cette salle, énorme, est remplie de dizaines de personnes venues prendre leur repas. Les assiettes sont posées au sol, les hommes passent armés d'une louche et d'un seau pour en remplir les compartiments. Nous engloutissons ce délicieux repas. Une fois fini, nous nous retournons et avec stupéfaction, constatons qu'en quelques secondes le réfectoire s'est vidé, comme ça en un clin d'oeil! Pour la sortie, le rituel est le même qu'à l'entrée, le jeu de piste recommence. 


Tout est très organisé, chacun exécute sa tâche. Nous sommes émerveillés par la magie de ce lieu. Ici tout est gratuit  - même si nous savons qu'une généreuse donation est toujours la bienvenue! - Les gens sont traités dans l'égalité et le respect. 95% du travail fourni ici est effectué par des volontaires, ce qui permet de pouvoir servir 16000 repas par jour. Et ça fonctionne! À notre tour d'apporter notre contribution : nous partons faire la vaisselle. Nous assistons en première loge à un ballet mécanique accompagné d'une symphonie assourdissante. La vaisselle passe dans cinq bains de nettoyage et de rinçage avant de repartir dans la salle à manger. Tout va très vite. Nous sommes les nouveaux rouages d'une machine bien rodée. Les femmes autour de moi me parlent… en hindi et en penjabi… dommage! Mais elles sont contentes et m'accueillent avec gentillesse. Nous plaisantons sans mots. Le temps passe trop vite, nous devons déjà partir.




Nous prenons un taxi, direction la frontière pakistanaise à 30 km de là. Pourquoi nous rendre à la frontière me direz-vous? Surtout quand on connait les relations que ces deux pays ont eu par le passé et comment ça se passe maintenant. Et bien pour une simple raison : un show est organisé pour célébrer 'l'amitié' et l'indépendance de ces deux nations. Nous ne savons pas vraiment à quoi nous attendre, mais la curiosité nous titille! Le chauffeur s'arrête, bloqué par un barrage de police, nous allons devoir finir à pied. Les indiens, autour de nous, se pressent en masse contre une barrière. Ici, très peu d'occidentaux. Les gens sont hystériques, ils nous poussent, crient, courent dans tous les sens. Nous ne comprenons pas vraiment ce qui est en train de se passer autour de nous et nous devons surement passer à côté de quelque chose. La chaleur nous étouffe, je me sens mal, j'ai hâte que ça se termine… 40 minutes plus tard, un homme fend la foule jusqu'à nous et nous indique un chemin pour les femmes, nous laissons Sven et Malte faire la queue avec les autres hommes. 
Une image me saute aux yeux. Les femmes et les enfants d'un côté, les hommes de l'autre entourés par beaucoup de militaires dont certains sur des chevaux. Des murs de barbelé dessinent les espaces accessibles pour la foule. Tout ici sens la répression et le contrôle. Mon regard effrayé croise celui de mes amies allemandes, nous avons pensé à la même chose.


Après plusieurs points de contrôle tenus par des femmes aux mains baladeuses insistantes, nous parvenons enfin au gradin réservé aux étrangers. Sur la droite une grande porte, arborant un portrait géant de Gandhi, sur laquelle trônent des militaires armés. De chaque côté de cette porte, deux énormes gradins bondés. Un pour les hommes et un pour les femmes. C'est vrai ça après tout continuons ainsi, c'est beaucoup plus facile d'éviter des agressions en séparant les gens qu'en éduquant la population. Les gens sont fous, en transe, ils crient et applaudissent à en perdre leurs mains. Sur la gauche du côté pakistanais c'est la même ferveur. Les deux côtés sont reliés par une route coupée en son milieu par une double grille, symbolisant la frontière.


Des indiens parcourent à grande foulée le chemin allant de la grande porte à la grille, soulevés par un élan patriotique en brandissant avec fierté un drapeau géant. La foule acclame chaque passage. Une musique hurlante nous assomme. Les femmes s'amassent sur la route et dansent à corps perdu au son de la pop indienne.
La cérémonie va commencer. Les deux camps scandent des slogans patriotiques. Les gardes arborant des couvres chefs impressionnants de ridicule exécutent des mouvements grotesques. Le public en extase totale est au bord de l'évanouissement étourdi par un orgasme nationaliste. La même ardeur agite le Pakistan. Et nous au milieu de tout ça nous ne comprenons rien. Nous avons à la fois envie de pleurer, de hurler et de rire. Dans un moment d'égarement mental engendré par la torture que ce spectacle m'impose, j'imagine alors une comédie pareille célébrant l'amitié Franco-allemande, au moins ça nous divertit quelques instants avec Ruth! Shreya n'en peut plus, devant moi je la vois se décomposer. Cette imposture célébrant une pseudo fraternité entre son pays et son voisin la débecte. Nous partons, les garçons décident de rester jusqu'à la fin. Avec Judith et Ruth, nous continuons nos plaisanteries à propos de ce dont nous venons d'être témoin, Shreya elle ne dit rien, les yeux perdus dans le vague.
Quel spectacle affligeant, une démonstration parfaite de la fascination aliénante de masse. Sont-ils conscients que tout ceci n'est qu'une énorme farce? Ou prennent-ils ce show pour argent comptant?

Nous rejoignons Amritsar pour diner, très bon Lassi, spécialité locale. Puis nous nous trainons, épuisés, jusqu'au temple. Assis face au temple, nous nous laissons transportés par le spectacle somptueux du Golden Temple irradiant dans la nuit noire. 



À 4h du matin, le réveil est difficile mais nous tenions à visiter le temple pendant une célébration. À la sortie de la chambre nous sommes étonnés de voir que dehors la vie ne s'arrête jamais. La cour grouille de gens, autour d'eux à même le marbre certains dorment. Shreya m'assure que ce n'est pas un problème pour les indiens, ils sont habitués.

Nous passons 2h dans la file avant de pouvoir atteindre l'intérieur du temple. Les garçons baissent vite les bras, préférant retourner dormir. Deux heures longues, très longues. Je m'appuie contre la barrière, encore endormie et écoeurée par l'odeur lourde de l'offrande sucrée que les fidèles emmènent jusqu’au temple, les yeux perdus dans le lac. La  lumière sous l'eau donne l'impression d’être précieuse, composée de millions de paillettes d'Or. Une vision magique qui nous change les idées. Dans la file, les hommes nous touchent, discrètement comme ça l'air de rien. Nous les dissuadons tant bien que mal en leur demandant d'une voie claire et forte "Sorry, Sir. What are you doing?" Ruth fait ça très bien! Honteux, ils s'écartent laissant la place à d'autres que nous questionnerons de la même façon. L'intérieur est somptueux bien sûr mais nous sommes contentes de retrouver nos lits. Ruth et moi décidons dans la matinée de partir faire du shopping… Encore! Il va vraiment falloir que j'arrête je ne vais jamais pouvoir tout ramener en France! 



De retour au temple, nous allons faire la cuisine. Nous y retrouvons Judith et Shreya qui finissent leur corvée d'épluchage de gousses d'ail. Alors qu'elles partent visiter le musée sick, nous prenons leur place et passons un moment à attendre la prochaine tache avec les indiennes. Une vieille femme nous fait  comprendre que dans ce lieu, dans un soucis d'égalité, Ruth n'a pas le droit d'avoir de vernis à ongles et que je n'ai pas le droit de porter mes lunettes. Nous sommes dans un lieu qui prône l'égalité et ce sont des signes distinctifs d'une certaine richesse. Elle ne nous reproche rien, elle nous explique seulement la philosophie de ce lieu. Comme rien ne se passe, la vieille femme nous conseille d'aller faire un tour du côté de l'atelier 'rôti' (pain indien). Accroupies sur un rondin de bois, les pieds dans la farine et armées d'un rouleau à pâtisserie nous confectionnons dans galettes. Un jeune sick et son ami Rudy nous proposent d'aller voir une 'bread machine'. Ruth n'est pas très enthousiaste à l'idée de suivre ces hommes après le souvenir désagréable de la file d'attente, puis après quelques instants d'hésitation nous les suivons dans une arrière cour du temple. Cette machine est impressionnante et produit avec un rendement sans commune mesure des dizaines de rôtis en quelques secondes. En regardant cette machine, de la farine collée par la transpiration entre mes orteils, je me dis que je préfère les faire à la main, ce que j'ai vécu avec ces femmes était tellement agréable.


Puis les deux hommes nous entrainent dans une autre cour, nous offrant alors une vue unique sur le temple. Enchantées, nous nous dirigeons vers la chambre pour retrouver nos camarades. Il est temps de s'inquieter de notre retour sur Delhi. Arrivés en catastrophe à la gare routière nous grimpons dans un bus sur le point de partir qui s'avère être le dernier de la journée pour New Delhi! 11h de nids de poules et de films boolywoodiens plus tard, à 3h30 du matin nous arrivons enfin à destination, épuisés mais ressourcés par ce week-end dans ce lieu unique.


11h de nids de poules et de films boolywoodiens plus tard, à 3h30 du matin nous arrivons enfin à destination, épuisés mais ressourcés par ce week-end dans ce lieu unique.