vendredi 30 août 2013

Un bidonville à Las Vegas.

Décidément, moi qui croyais que les choses deviendraient ordinaires! Je me suis trompée! Je vous disais que je n'étais plus dans la découverte, et bien ce n'est pas le cas. Bien sûr je m'habitue à certaines choses, je me demande même comment je pouvais exécuter les mêmes actions en France! Mais je reste ébahie par le monde qui m'entoure. Je prends aussi bien conscience que ce que je vois ici n'est pas propre à l'Inde en général mais bien spécifique à New Delhi.

Après ce petit interlude de réflexion personnelle, repartons vers Malaviya Nagar. Quartier du sud de Delhi où se trouve le Studio du Gati Dance Forum. Rien à voir avec le lieu paradisiaque où nous nous trouvions la semaine dernière. Cet endroit est beaucoup plus à l'image de la réalité de Delhi et de cette évolution dans laquelle se trouve la ville. L'arrêt du bus 534 se trouve sur une grande avenue. Sur la droite de cette voie se dresse un immense centre commercial flambant neuf, un palace de superficialité occidentale saupoudrée de curry. Et de l'autre côté, celui où je vais pour travailler, c'est une autre réalité. Comme une juxtaposition de deux mondes parallèles. Il n'y a rien. Du vide, des détritus, des chevaux et des chèvres, des baraquements de taule et quelques humains et l'odeur bien sûr. C'est derrière ça que se trouve le studio.

Mercredi était donc un jour férié puisque c'était l'anniversaire de Krishna. Pour célébrer cet évènement Vishal a donc décidé de donner une fête sur le toit de l'immeuble. J'ai quitté le studio avec Parvathi et j'ai alors vécu un moment magnifique : mon baptême Déliite en scooter! Evidement sans casque pour moi mais comme vu la densité de la circulation nous avons rarement dépassé les 20 km/h. Nous avons été bloquées à Mehrauli par les célébrations et parades. Elle m'a donc déposé au milieu de la foule en liesse parée de mille couleurs. Je m'écarte des festivités direction mon appartement. Je traverse ces rues que je connais bien désormais mais je ne les reconnais pas d'abord parce qu'elles sont vides! Tout me parait différent, les rares personnes que je croise ont un visage détendu et rayonnant, les maisons sont décorées, et il flotte dans l'air une douce odeur d'encens. Les autels cachés dans les alcôves des murs sont parés de colliers de fleurs. Ils irradient aujourd'hui alors que je ne les avais encore jamais remarqués! 


Nous sommes un "dry day" autrement dit impossible d'acheter de l'alcool. Nous passons donc la soirée sur le toit à boire ce qui restait au fond des placards : de la vodka avec du jus de mangue et du whisky mélangé à de l'eau… C'est imbuvable! Je rencontre pour la première fois un français, bon
score en trois semaines! Simon est un pote de Parvathi, il étudie à Sciences Po Paris et est à Delhi pour faire un échange à l'université. Les allemands sont là aussi, Ruth et les garçons à la guitare. Ils ont ramené une amie, Judith qui est ravie de pouvoir entretenir son français! Plus le temps passe plus les gens me parlent en français et plus je ne parle qu'anglais. Ils ont amené une bouteille de vin rouge indien et chaud… Je ne sais pas ce qui est le pire entre ça et le whisky dilué. Je suis quand même venue ici pour travailler je vais donc aller me coucher!


Je ne fais pas encore beaucoup de choses pour le moment. Ce n'est que la deuxième semaine et les résidents sont concentrés sur la recherche d'un vocabulaire corporel en vue de réaliser cette pièce. Je les aide néanmoins à définir leur dramaturgie et à préciser leur concept. Je pense que tous auront besoin de mes lumières (!!). Pour certains je serai technicienne et pour d'autres partenaire ou créatrice. Nikita et Namrata me sollicitent d'avantage. Ma sensibilité leur parle et leur créativité m'inspire. Comme nous travaillons en étroite collaboration, Namrata me fait partager toute la complexité de sa vie d'artiste indienne. Pour vivre, elle fait des concerts de chants traditionnels et des spectacles de danses. Les deux ne se rencontrent pas. Hier je l'ai accompagné à son cours de chant. Nous avons quitté Gati en catimini. Dans la voiture elle m'expliquait qu'il y avait des castes dans les arts scéniques, une hiérarchie. Le top c'est le chant, puis vient la musique et enfin la danse, traditionnellement réservée aux prostituées. Elle est passionnée par ce qu'elle fait et par toutes les possibilités de langages que lui offre son corps. C'est pour ça me dit-elle qu'elle a décidé de faire cette résidence : pour faire du "chant" et de la danse dans la même pièce, pour pouvoir explorer cette dimension nouvelle qu'elle ne peut éprouver nulle part ailleurs. Nous arrivons à Mandi House. Arrivée sur le parking de cette école des arts, dans la voiture elle enlève ses vêtements de danse et enfile un jeans. Elle m'explique que les esprits sont très rigides ici et que c'est déjà une grosse provocation de sa part que de venir autrement qu'en IdianStyle. Nous pénétrons dans ce lieu qui ressemble fortement à un conservatoire de musique. Arrivées au deuxième étage, nous enlevons nos chaussures et rentrons dans une petite salle, sur la porte est inscrit : CLASSIC VOCAL.


Un homme arborant une chemise longue bleue et une chevelure blanche au regard autoritaire et bienveillant me sourit. Je prend place à l'arrière du groupe pour les observer. À coté du maitre, posé au sol, une station de musique diffuse une musique répétitive, une harmonie métallique. Ce métronome leur sert à caler leur voies. Ce son me soulève et m'angoisse en même temps. Chaque femme qui rentre dans cette pièce, salue le maitre, touche le tapis devant lui et s'assoie en lotus. Les vocalises s'enchainent et me transportent. Même si ce n'est qu'une séance de reprise après les vacances, je suis en pleine contemplation, abrutie par tant de beauté. Un moment de grâce. Les deux heures passent en quelques secondes. Je suis détendue et vidée comme après une séance de Yoga! Un peu à contre coeur je pars, rejoindre le studio où je suis attendue. 


Mes entretiens informels avec les danseurs se poursuivent, je suis malheureusement obligée de freiner leurs envies car seule et sans un réel budget je ne pourrais jamais honorer leurs demandes. Je suis donc obligée de leur donner des contraintes. Un peu frustrant pour moi mais ma petite expérience m'a aussi montrée que les contraintes sont un bon engrais à créativité. Nous somme obligés de rester plus tard ce soir, Rakesh et son acolyte hollandais veulent notre avis sur leur "workinprogress".


Le temps ne passe pas très vite ce soir, j'accompagne Asha et Nikita qui ont envi de s'aérer hors de Gati. Direction le centre commercial… C'est un lieu très étrange. Il y a eu des moments où j'avais envi de m'occidentaliser un peu et je pensais alors que les Malls étaient une réponse. Je sais maintenant que non. À peine entrée dans ce lieu, j'étouffe. Tout à l'air factice, je ressens un pincement de dégout. J'ai l'impression d'être à Las Vegas. 



Je n'avais pas aimé visiter cette ville. Tout est trop faux et je ne veux pas faire partie de ça. Après un bref moment, heureusement, nous partons pour assister à la présentation. Au milieu de la fameuse avenue qui sépare ces deux mondes, il y a un terre plein sur lequel sont postés trois enfants des rues. Le plus jeune n'est vêtu que d'un t-shirt, il doit avoir moins d'un an et tient à peine sur ses jambes. Les deux autres garçons sont un peu plus vieux. Ici, les enfants des rues sont exploités par des organisations mafieuses qui les forcent à mendier. Le plus grand d'environ 6 ans nous colle. Il laisse les deux autres et nous suit en quémandant de l'argent. En français j'explique à Nikita que le plus difficile pour moi en Inde c'est d'assister à ça, et face à son masque d'indifférence je lui demande comment elle vit ça. Elle m'explique que malheureusement au bout d'un moment on ne fait plus attention, que c'est bien triste mais que c'est comme ça. Un peu assommée par cette réponse je repense à ce que Namarata m'a dit un peu plus tôt "Il ne faut pas être dans la pitié, ça ne mène à rien. Mon gourou m'a dit qu'au lieu de la pitié, il fallait être content de pouvoir aider quelqu'un de temps en temps. L'empathie ne sert qu'à te détruire." J'erre dans la rue, je reprend mes esprits et je n'aperçois ni Asha ni Nikita. Elles sont à un stand de jus de fruits avec le petit garçon. Je les rejoins. Nikita lui tend le gobelet rempli à raz bord qu'il engloutit d'une traite. "À un moment, il a arrêté de demander de l'argent et m'a dit qu'il aimerait un jus de fruits, comment je pourrais dire non? Je n'avais plus aucune raison de refuser". Nikita n'est bien sur absolument pas indifférente à la détresse des enfants des rues. Mais dans les esprits ici c'est de cette façon que fonctionnent les choses.

Le soir en rentrant à l'appartement j'espère un moment de solitude. Ceux d'entre vous qui me connaissent savent à quelle point je chérie ces moments de tête à tête avec moi même. Les indiens ne vivent pas comme ça. Ils partagent tout le temps avec leurs amis, les portes ne servent pas à grand chose à part pour les moments quotidiens nécessitant une certaine intimité. Sur les rotules après cette journée spécial "ascenseur émotif" je m'assoie sur mon lit. Vishal m'y rejoins. Il partage avec moi sa vie, amoureuse notamment. Il m'explique qu'il l'a trouvé, LA fille! Après des échecs et un fils, ça y est elle est là. Mais il ne seront que des amis. En tout cas pour le moment, parce que suite à une consultation chez l'astrologue tout s'est arrêté. Ils ne sont apparemment pas compatibles. Quelle tristesse! Remettre ses choix entre les mains d'une destinée toute tracée sans jamais pouvoir en avoir la maitrise. Décidément  cette journée est vraiment bizarre. Dans le noir, étendue sur mon lit regardant dans le vide, les yeux asséchés par le ventilateur accroché au plafond je repense à cette journée. Je suis divisée entre la réalité sans demi mesure de ce qu'est la vie ici et la joie d'avoir la liberté de choisir tout ce(ux) que j'ai.

mercredi 28 août 2013

Starting point.

J'entame ma deuxième semaine à Gati. Il y a plusieurs épisodes dont je ne vous ai pas faits part. D'abord parce que je suis assez épuisée mais aussi parce que j'ai oublié!


Pas grand chose à voir avec mon récit mais voici ma chambre et la vue depuis mon balcon.


La semaine dernière durant ce workshop d'ouverture de la résidence les exercices sensoriels et physiques se sont enchainés, libérant les corps et illuminant la créativité de chacun. Un midi après le déjeuner, je suis sortie de cette enclave paradisiaque pour accompagner Namrata. Elle revient à peine de Suisse où vit son mari. Je l'aime bien, elle est pleine de contrastes, indienne et suisse, avec un côté avant-gardiste tout en restant traditionnelle, et surtout ce que j'aime chez elle c'est que pour une fois je peux trouver un indien (une en l’occurrence) qui répond à mes questions. Il n'est pas évident ici de trouver des réponses claires, les gens changent de sujet, ou hochent la tête de gauche à droite, un mélange entre le oui et le non qui me laisse souvent sur ma faim. En même temps, j'ai trouvé de l'intérêt à ce mode de réponse, que j'utilise d'ailleurs régulièrement, soit quand je me moque de trancher entre le oui et le non , soit quand je ne sais pas parce que je ne comprends pas! Et ça fonctionne : mon interlocuteur à l'air de trouver dans ce geste la réponse qu'il attendait! Revenons à Namarata, un peu comme moi, elle est coincée, bien au chaud, entre deux mondes. Tous les midis, elle sort, pas vraiment par nécessité, mais pour se replonger dans son pays, pour voir la réalité, dit-elle. Elle a une formation de Kathak. Je ne vous expliquerai pas précisément ce qu'est cette danse traditionnelle indienne, c'est beaucoup trop compliqué et surtout je n'en connais pas grand chose. Mais pour vous donner quelques clés, je crois que cette danse est faite pour raconter des épisodes de la vie des divinités Hindus (pour la petite anecdote aujourd'hui 28 aout nous fêtons l'anniversaire de Krishna). Chaque posture, regard, a une signification, le danseur n'est plus lui pendant sa performance, il est habité. Dans cette danse il y a aussi tout un rapport à la musique. Des correspondances se créent entre la musique, le chant et les bruits du corps Elle est donc danseuse traditionnelle et est venue faire une résidence de danse contemporaine. Pour le moment je ne sais pas trop quoi vous dire de plus sur elle. J'aime juste la simplicité et la franchise de cette relation amicale et artistique, qui nait entre nous.

Samedi après-midi, je retrouve Vishal, à la station Saket, les yeux légèrement embrumés par le cannabis qu'il vient de fumer, pour aller faire un peu de shopping! Nous nous rendons dans un marché, près de Dilli Haat, où s'enchainent échoppes, stands et magasins. Nous nous posons un moment sur un trottoir pour que Vishal puisse manger son litre de sauce chili accompagné de quelques raviolis. Je regarde ma canette de soda qui est d'une propreté plus qu'approximative. Heureusement pour moi, j'ai toujours mon flacon de lotion hydro-alcoolique! A la réflexion, il aurait peut-être mieux fallu que j'aie un gobelet!

Nous avançons de stands en stands, laissant quelques roupies au passage pour des vêtements qui doivent être vendus 20€ minimum en France. Vishal broyé par le piment se liquéfie petit à petit jusqu'à ce que je lui offre le spasfon salvateur! Au détour d'une ruelle, nous passons devant un vendeur de citronnade. Il doit avoir 15 ans, les cheveux tondus et devant lui un présentoir, accouplement d'une table et d'une brouette, sur lequel sont disposées des petites bouteilles en verre remplies et avec un petit citron posé délicatement sur le goulot. Dans sa main droite il tient un pic à glace qui lui sert à ouvrir l'opercule des bouteilles. Je me retourne, Vishal parle avec lui, je crois d'abord que c'est pour lui demander son chemin. Mais le ton monte très vite, les hommes s'amassent autour d'eux. Ils se font face les yeux exorbités, le regard noir et la poitrine bombée. Le jeune tient toujours fermement son pic à glace. Je suis tétanisée, l'incompréhension m'aveugle. Vishal finit par gifler le jeune homme et me rejoint sereinement. Je lui demande ce qui l'a énervé, "Il t'a offensée." Un peu perdue par ce qu'il vient de se passer je le remercie maladroitement. Je ne me sens pourtant pas en danger ici. Les regards sur moi ne sont pas plus insistants ou plus agressifs qu'ailleurs, par contre vue la densité de population ce n'est pas un endroit dans lequel je m'aventurerai seule. Je ne me sens plus d'humeur à faire du lèche vitrine. C'était trop violent d'assister à ça, malgré tout, nous continuons un moment. Puis nous partons chez Mukesh, un de ses amis. Nous dansons et mangeons sur ce toit sur lequel il habite, deux petits cagibis forment un appartement de rêve. L'air est dense, sans la moindre brise, l'humidité m'asphyxie, la température ne diminue pas, alors que la nuit progresse. Épuisés et éprouvés par cette journée nous rentrons. 

Le dimanche matin je pars travailler, Vishal m'accompagne pour me montrer un nouveau chemin. C'est une valeur universelle, les dimanches n'existent pas dans le monde artistique! Je ne me sens pas bien et les vingt minutes de marche sous le soleil puissant du matin n'arrangent rien. Arrivée au studio après un petit-déjeuner furtif, je dors ou du moins j'essaie. 

Padmini s'en va, enlace les danseurs, je la distingue à peine, les yeux embrumés par la fièvre. Sankar prend la suite de la classe. Aujourd'hui il leur fait faire un exercice de mémoire olfactive. Je n'arrive pas à suivre les explications alors qu'ils échangent sur leurs sensations Virkein se met à pleurer, déroutée par ses souvenirs, moi je cours vomir.

La chaleur, la déshydratation ou la canette suspecte, je ne sais pas ce qui me cause cette fièvre mais je n'aime pas ça. Je lutte pour rester au studio. À 17h je n'en peux plus, Vishal vient me chercher. Dans les douze heures qui vont suivre, je ne vais faire que dormir et boire. Lundi matin après ma vraie première longue nuit en Inde, je vais bien. Mon corps commence seulement à se sentir un peu dépaysé, la température et les épices m'éprouvent alors que j'ai la sensation de m'y habituer.


L'humidité est une plaie. Mon téléphone, qui ne marchait déjà plus très bien en France, a surement rendu l'âme, les circuits noyés par la moiteur tropicale incessante. Mon ordinateur ne se porte pas vraiment mieux. Des bulles commencent à se former sous le plastique antidérapant, la souris devient folle. Je croise les doigts pour ne pas perdre mon dernier outil de travail et de communication!



En attendant la suite je vous montre ce que je vois de mon toit! C'est définitivement l'un de mes endroits préférés à New Delhi.


Je m'adapte très bien à ma vie ici, enfin de manière générale. Je m'adapte même un peu trop bien. Je pensais être plus dépaysée, plus éprouvée. Mais bon je ne vais pas m'en plaindre!

lundi 26 août 2013

Daily Delhi

Maintenant que mon quotidien est lancé je pensais ne plus avoir grand choses à raconter, je ne suis plus dans la découverte constante. Enfin, plus autant qu'avant. Je m'habitue à ce qui m'a tant désarçonné à mon arrivée. Les moments que je préfère dans la journée sont mes trajets en auto-rikshaw le matin à 7h30 et le soir à 21h - oui, j'ai des sacrées journées! La ville m'y apparait alors dans toutes les dimensions qu'elle peut offrir. Les désagréments des infrastructures sont devenus des repères familiers. Il y a le passage "champs de nids de poules" après la mosquée, le lampadaire plié en deux qui sert d'étendoir à linge aux gens qui vivent au milieu du carrefour à Qutub Minar. Il y a aussi ce moment toujours aussi éprouvant devant ce qui doit être le dépôt d'ordures du quartier, soit près de 1000 personnes - ou le garde mangé de luxe de la faune sauvage environnante - qui me soulève le coeur et me broie le ventre à chaque fois que j'y ai droit. Les canalisations du Bhagwati Hospital juste à côté de chez moi sont cassées. L'eau s'écoule dans la rue jusqu'à la place du marché. Je suis toujours en tongues, il fait tellement chaud. Mais quand je dois traverser ce bouillon de cultures où se mêlent cochons, vaches et humains, je me déteste ne pas avoir mis mes tennis. Les éclaboussures de mes chaussures parsèment l'arrière de mon pantalon d'une constellation d'excréments liquéfiés.

Hier matin, en partant juste devant chez nous, Vishal a joué avec un chiot, une petite lueur de vie pas encore rongée par la gale. Un petit moment de simplicité comme une bouffée d'air, et oui les bébés animaux sont mignons dans le monde entier! Ce matin, il est mort, étendu en plein milieu de ce qui se prend pour une route devant mon immeuble le corps déjà habillé par un manteau de mouches. C'est cette micro tragédie qui est pourtant d'une banalité universelle qui m'a donnée envie d'écrire. Pourquoi est-ce que je me laisse tant atteindre par cette mort canine alors que ce n'est clairement rien surtout comparé à tout ce dont j'ai pu être témoin ici? J'aurai bien une réponse mais je ne suis pas sûre qu'elle puisse être entendue par tout le monde. J'espère seulement que ce petit corps ne va pas rester là jusqu'à se fossiliser dans le bitume.

Passons.

Le workshop continue. Je rencontre des gens très agréables et d'une grande richesse artistique. En même temps que nous dans ce petit havre de paix se déroule un séminaire pour les gays, lesbiennes et transsexuels de Delhi, ces hommes portent les plus beaux saris que j'ai pu voir.
Les stagiaires se divisent en deux groupes. Le premier groupe n'est là que pour la première semaine, les six autres danseurs sont partis pour une résidence de neuf semaines comme moi. Je les observe jour après jour dans cet espace devenu familier. Leur langage du corps est similaire à celui que je connais mais teinté de traditions et ponctué par une utilisation délicate et codée des mains ou plus précisément des doigts. Une nouvelle poésie du corps qu'il m'est donné de découvrir.


D'abord il y a Amita. Elle n'est avec nous que pour cette semaine. Elle n'est pas danseuse mais comédienne et cherche à explorer de nouvelles dimensions du corps. Un peu comme moi elle semble empotée et intimidée par les limites du langage, l'anglais pour moi et celui du corps pour elle. Elle est très douce et très avenante à mon égard. Elle a 28 ans mais parait beaucoup plus jeune. Elle m'invite même à son mariage en Novembre. Malheureusement ou heureusement je serai de retour en France pour votre plus grand bonheur à tous, je ne pourrai donc pas y assister. Elle a choisi son mari mais elle m'explique que même si c'est beaucoup plus répandu qu'avant ce n'est pas le cas pour la majorité.
Nous avons assister à la présentation de Padmini, une chorégraphe de 43 ans, on lui en donnerait 30, qu'est-ce qu'ils mettent dans l'eau c'est pas possible! Son discours est très dur et découragerait le plus motivé des artistes. Le seul moyen pour réussir dit-elle est d'être entouré et de ne pas avoir un grand appétit car l'art et l'argent de cohabitent pas. Elle ne veut pas donner à ces disciples certaines clés, certains secrets parce qu'ils sont la concurrence de demain. Plus tard dans le wagon pour femmes du métro, Amita me fait part de ses doutes et de la difficulté pour elle de croire en l'arrivée de jours meilleurs. Des larmes naissent aux coins de ses yeux, en évoquant la chance que certains autres ont eu d'être épaulés et entretenus par leur famille alors qu'elle doit se battre quotidiennement contre ses parents trop conservateurs. Je me sens bien désarmée pour faire face à cette détresse que je ne peux qu'imaginer. Je lui dis de croire en ses rêves et qu'elle doit être fière de ce qu'elle est. Ça me parait bien dérisoire d'énoncer ces lieux communs mais elle semble boostée par mes mots maladroits. Le coeur au bord des lèvres elle me sert contre elle sous le regard médusé des indiennes qui nous entourent à cette heure de pointe.
Je suis très limitée par mes problèmes de communication. Surtout quand il a fallu que je parle à tout le monde de mon travail. Namrata l'a senti, elle parle français tout comme Nikita, toutes les deux sont là jusqu'en Octobre j'aurai donc l'occasion de vous en dire d'avantage à leur sujet. Elles sont frustrées de ne pas retrouver dans ma présentation les mots qu'elles disent poétiques que j'utilise pour parler du corps et de la lumière. Elles
m'aident donc à approfondir mes propos et semblent très touchées par mon travail qui semble leur apporter une bouffée de d'inspiration.

Rien à voir mais je ne pense pas que j'enverrai de cartes postales. Je ne fais pas vraiment confiance à la poste française alors à la poste indienne je vous raconte pas - Ta gueule Jean-Louienh! Et puis je n'ai toujours pas trouvé d'endroit pour acheter ni des timbres ni des cartes! Petits mots pour mes grands-parents au passage : tout va très bien arrêtez de vous inquiéter!



Et juste pour le plaisir des yeux une vue du toit de mon immeuble de nuit.

mardi 20 août 2013

Work starting

Ma première journée de grande est terminée, je n'ai pas trop le cafard. Cette ville ne me fait plus peur, nous nous apprivoisons même si la détresse des corps et des enfants me désespèrent chaque jour autant. Au levé Vishal s'inquiète "Tu n'as pas pleuré cette nuit?" Oh bah non quand même!

Vingt minutes d'auto-rickshaw jusqu'au studio de danse, à Ghitorni station. Le véhicule s'enfonce dans un chemin pavé, ce quartier est d'une richesse et d'une propreté incroyables. Derrière le portail en bambou, un petit havre de paix. La verdure luxuriante englobe avec soin des petites baraques et au centre de ce magnifique jardin un pavillon en bambou. Je rencontre Parvathi enfin! Elle a pris tant de temps pour m'aider à trouver un appartement, je peux enfin la remercier. Je petit-déjeune avec une jeune californienne. Pourquoi est-ce que je vais toujours vers les femmes blanches? Ceci dit nous étions les deux seules à ne parler à personne! En dégustant une incroyable salade de fruits non épluchés…j'espère que je vais pas être malade! -Vraiment intéressant ta vie Huguette!- Nous échangeons nos expériences de voyages, de l'Inde, de la Californie. Elle m'avoue qu'elle non plus ne comprend pas les indiens et elle aussi me félicite pour mon anglais! Non mais franchement je comprends rien et je parle comme un pied! Les français ne doivent vraiment pas savoir parler anglais pour que j'apparaisse comme ayant un bon niveau!

Le stage de danse ouvre la résidence du Gati Dance Forum qui va durer 9 semaines. Je suis un peu perdue, je demande à une femme qui fait partie de Gati si je peux rentrer dans le studio. Elle n'a pas vraiment l'air d'accord jusqu'à ce que je lui dise mon prénom "Ah! ELISE (et oui je ne m'appelle pas vraiment Huguette!) Come on!" Une quinzaine de danseurs s'échauffent en parfaite cacophonie. Ils se frôlent, se croisent mais ne se heurtent pas, un peu à la façon des véhicules sur les routes indiennes. La musique est douce, le tonnerre gronde, le bruit de la pluie sur les feuilles me berce. Le sol est brillant, le bruit des corps à son contact me plaît. Mandeep est là. C'est grâce à lui que je suis ici. Il est très concentré, il ne me voit pas. La moiteur envahit la pièce. Les corps sont éprouvés de danser par une telle chaleur. Le passage des corps sur le sol dessine des arabesques de transpiration. Par le reflet, le sol devient miroir, les corps se dédoublent. Un chorégraphe, Rakesh, mène le groupe et fait exécuter une série d'exercices. Je ne suis pas chorégraphe mais je trouve ici des clés pour pouvoir mieux communiquer avec mes futurs danseurs et collaborateurs. Je me rends compte de l'importance du regard sur l'autre et sur l'environnement pour construire l'espace et le mouvement. "More eyes, more eyes!"
Un autre chorégraphe, Sankar, prend en charge le groupe pour la suite. D'un exercice de base naît la danse.



Le Colonel me rappelle "Allo Elise? Do you want to say good bye to your mama?" La pauvre ça va l'achever!

Reprenons, avant de les faire danser, il leur explique plusieurs éléments et leur parle des 'U Points' : shape of body and shape of mouvements, architectures (environnement & light), time (duration), relation with others and topographie. L'exercice commence par de la marche simple. Puis le rythme des corps vient s'en mêler. Puis les hauteurs, les formes des corps et la danse se fait.

Les corps se répondent, par des bruits, des rythmes, des regards. Trouver l'impulsion. Avoir conscience de soi en ayant conscience des autres. C'est le même 'problème' qu'il s'agisse de lumière ou de danse. Ne pas laisser l'autre seul, lui apporter un support. J'ai l'impression que cette ville n'est plus un problème maintenant que j'y fais quelque chose, ce qui devient difficile maintenant c'est la barrière de la langue!



Movin'on



Mes bagages sont prêts. Le colonel nous fait monter dans sa voiture. Nous traversons soute Delhi jusqu'à Merhauli. Le Colonel demande régulièrement son chemin, sans forcément avoir de réponse. Nous nous engageons dans une rue qui semble être la bonne. Nous nous enfonçons dans ce quartier jusqu'à ce que le bitume devienne terre, jusqu'à ce que les cochons se confondent aux habitants. Ma mère prend peur. Elle se crispe, je le vois ou plutôt je le sens. Nous arrivons finalement. Un gardien à l'entrée de l'immeuble c'est très rassurant! Nous montons jusqu'au 4ème. Derrière la moustiquaire, Vishal apparait, un sourire jusqu'aux oreilles. Le Colonel se la joue très paternel. Nous parlons un moment tous ensemble, puis nous visitons l'appartement. Il n'y a rien à redire, tout est parfait. La mousson détruit l'immeuble, partout l'eau fait gonfler les murs et il faut prendre garde à ne pas laisser les fenêtres ouvertes sons surveillance, les singes sont nos voisins. Mon colocataire nous emmène sur le toit. Quel splendeur! Sous nos yeux à 360° s'étend un nid de verdure d'une densité incroyable qui forme une barrière de sérénité entre le chaos de Delhi et moi. Je pense que ce toit va devenir mon refuge. Yves fait une dernière blague, ils partent, ça y est je suis une grande fille maintenant! Ma mère pleure, normal c'est une mère.

Je reste seule avec Vishal. Il m'emmène ensuite à la découverte du quartier. Le marché est incroyable. Un nouveau Delhi s'offre à moi, la touriste fait place à l'autochtone. Nous rentrons faire à manger, je ne comprends pas tout ce qu'il me dit mais ses yeux sont teintés de bienveillance. Il est 3:45 nous sommes en retard. Un de ses amis est venu nous chercher, direction Lohdi Park. Nous y retrouvons un groupe de Couch Surfer. Inconsciemment je m'assoie à côté de Ruth, un jeune femme blanche blonde allemande. Nous faisons un tour de table enfin de nappe puisque c'est un pique-nique. Je suis la seule française. Les présentations terminées les gens se mêlent. Je reste là à écouter les conversations autour de moi. Sameesh me rejoint "Comme tu es seule, c'est que je dois venir te parler, en français." Nous faisons un marché, je l'aide à progresser en français et il fait de même pour mon anglais, il projette même de m'apprendre l'hindi…!

DEAL

Nous mangeons, épicé bien sûr. Les indiens se moquent de moi! Certains jouent de la musique. Nous partons envahis par toutes les tailles de fourmis qui existent sur la planète.
Rendez-vous à Hauz Kaas South Delhi. Dans la voiture, à l'arrière avec Sabina, Slovènne, et un indien dont je ne connais pas le nom, nous parlons de politique, de l'Inde, de la Slovénie et de la France. De la crise européenne, du premier ministre indien. De Sarkozy et de Hollande, de la Grèce, de l'Euro, de Strasbourg. Je n'ai pas provoqué cette discussion et je me rends compte du niveau de connaissances que mes interlocuteurs ont de mon pays, et que je n'ai pas sur les leurs. Arrivés, nous retrouvons le reste du groupe, environ 25 personnes. Encore un nouveau Delhi! Mais combien y en a-t-il?! Ici, il y a des blancs, des noirs, des asiatiques, des indiens, beaucoup de femmes en jupe et décolleté, une grande première pour moi à Delhi. C'est donc là que se cachent toutes les femmes! Nous grimpons dans un immeuble en retrait jusqu'au toit. La vue d'ici en pleine nuit est incroyable. Je discute avec Jai, un indien au physique d'américain, il me confie ne pas pouvoir manger épicé! Comme quoi je ne suis pas la seule! Il me trouve trop petite pour une française et se moque de ma tenue, il est vrai que je suis la seule habillée façon 'indian style', la prochaine fois je ferai mieux. Il me félicite pour mon anglais et pour mon accent, mes frères je pense à vous! Comme quoi vous voyez, en Inde tout arrive!

Il est 21h30, la soirée se termine. Le Colonel m'appelle pour que je salue ma mère, très inquiet il me rappelle que je suis la bienvenue chez lui dès que je veux.
Dans la rue nous discutons encore un peu. Les indiens ont du mal à croire que nous perdions vraiment du temps à faire la bise et se moquent gentiment du Namasté, qui pour eux n'est utilisé que pour les touristes…je m'en doutais un peu! 

Le RDV est pris pour la prochaine soirée, Vishal décide que ce sera samedi soir, chez nous! 
NICE!

samedi 17 août 2013

Last days.

Nous sommes de retour à Delhi, chez le Colonel qui est ravi de nous retrouver. Nous laissons notre chauffeur qui d'un coup devient d'une froideur extrême, peut-être ne veut-il pas se montrer amical avec des femmes occidentales en ce lieu, devant notre hôte qui ne semble l'apprécier que très modérément. Il insiste cependant pour que nous le rappelions afin de louer ces services pour accompagner mes compagnons à l'aéroport. Pour la 5ème fois il nous redonne son numéro. Il ne souhaite pas que nous passions à son agence pour dire à son boss l'excellent travail qu'il a fourni, la lettre de recommandation de notre main lui suffit largement. Même s'il nous est apparu très absorbé par sa religion, nous avons pu avoir avec lui des discussion assez sérieuses : nous avons parlé de la place de la femme, de l'éducation, du comportement des hommes et de la pauvreté. Il semblait ne pas être touché par tout ça, ça réponse était 'Si tu es bon avec les autres, ils seront bons avec toi. Et nous ne pouvons pas changer le monde nous pouvons seulement faire qu'il soit un peu mieux.' À la réflexion je pense qu'il a un regard dur sur la réalité de son pays c'est surement le moyen qu'il a trouvé pour s'en protéger, à ça , à sa zenitude et à Krishna. Nous le laissons donc devant le 137, Uday Park, il nous dit qu'il va dormir... tu m'étonnes!

Suzanne est au lit, la Malarone lui broie le corps. Je prend un peu de temps pour vous écrire pendant que les autres dorment. Nous rentrons dans une nouvelle phase : continuer les 3 jours de 'vacances' qu'il nous reste malgré la saturation qui nous envahit. Nous retrouvons l'odeur de Naftaline de Delhi, ça m'écoeure, ça me prend à la gorge.

Plus que deux jours de tourisme, quoi faire? Je n'en ai plus du tout envi, comment faire pour profiter de tout ça en laissant le reste de côté. Je veux que mon travaille ici commence, je veux comprendre pourquoi j'ai fait tout ce chemin, pourquoi j'ai gravi autant d'obstacles avec un tel acharnement, honnêtement pour le moment je ne m'en souviens plus.
Il nous reste Old Delhi à visiter, nous avons voulu la semaine dernière mais l'Aid nous en empêchait. Nous sommes prêts à partir jusqu'au moment où nous sortons de la chambre pour prendre le petit déjeuner et que nous voyons le déluge s'abattre sur Delhi. Il y a tellement d'eau que le Colonel prend sa voiture pour aller chercher Yves et Suzanne qui sont logés de l'autre côté de la rue. Pour nous faire passer le temps, le Colonel nous montre un film indien. Mon dieu! 



On dirait du "Plus belle la vie" au bord de la plage avec des couleurs fluos partout, de la musique et une réalisation style "les Experts". Une oeuvre cinématographique improbable qui parle de deux mecs qui se font passer pour des gays pour pouvoir louer un appartement, je ne pourrai pas vous dire comment ça s'est terminé, nous n'avons pas tenu plus de deux heures! Et nous étions là, les trois femmes sur le sofa, les deux hommes dans les fauteuils et la bonne dans la cuisine à regarder un film avec des gays... Le propos du film devait se vouloir avant-gardiste mais traité uniquement par un amas de cliché. Nous étions vraiment dans une autre dimension! Le Colonel est quelqu'un de vraiment très intriguant. Un homme d'environ 65 ans qui a l'air d'être veuf. Très fière de lui, de ses enfants et de son parcours militaire, il accorde ses turbans à ses chemises. Un homme très classe et très éduqué avec une grande culture et semble-t-il une grande ouverture d'esprit. À notre arrivée, il nous a montré son album photo de tous les touristes qu'il a reçu chez lui, nous ferons probablement bientôt parti de la collection. Et donc de tous les films qu'il a chez lui c'est celui-ci qu'il a choisi de nous montrer, intéressant comme choix!

Le colonel nous laisse au milieu du film, nous attendons que la pluie se calme et nous sortons équipés de nos kawais, il fait tout de même 35°. À quatre encastrés à l'arrière de l'auto-rickshaw, je vous raconte pas le bain de cultures! Un petit coup de métro et nous voilà à Connaught place. Un jeune Sikh nous propose son aide après l'avoir suivi pendant 10mn nous nous rendons compte qu'il ne nous emmène pas du tout au bon endroit, encore un rabatteur? Nous nous trouvons dans un quartier circulaire, les blocs s'enchainent et se ressemble, la tête me tourne. Nous tombons sur le cadavre d'un homme maladroitement recouvert d'une sorte de sac en bâche blanche. Il est comme posé là sous les arcades en plein milieu en position foetale. Les gens le contourne et continue leur vie.


Après un resto très chic, où nous ne voyons que des locaux de la haute, nous retournons dans l'enfer des cercles. Au fur et à mesure de nos égarements, nous repassons plusieurs fois devant se corps. Je me sens hantée par cette image. Qu'est-ce qui me choque le plus? Certes c'est la première fois que je vois un mort, mais je sens bien que c'est plus compliqué que ça. La façon dont la vie est traitée, sans importance, comme un objet, ce corps laissé là au même titre que les sacs plastiques et les autres ordures. Et je ne suis pas au bout de mes peines la journée est loin d'être terminée. Nous nous dirigeons difficilement mais surement vers l'Emporium sorte de centre commercial uniquement indien. 
Encore quelques souvenirs achetés à bon prix, je trouve ça bien dérisoire comme préoccupation. Je n'en peux plus je veux trouver un quotidien, plus de surprise, plus de découverte.

L'après midi se termine, retour au métro direction Old Delhi. À la sortie de la station un nouveau Delhi s'offre à nous. Une nouvelle sorte de chaos. Les habitations sont différents, la population n'est pas la même, les rues sont plus petites à tel point qu'ici il n'y a que des 2 roues, des tuc-tuc et des rickshaws, et des piétons bien sur. Que des hommes, toujours sur le parvis du métro je regarde subjuguée autour de moi, Yves mitraille le quartier. Il n'y a que nous, nous sommes les seules femmes dans cette marée humaine. Puisque je ne sais pas par où diriger le groupe je retourne dans la station et demande mon chemin à un policier qui ne sait ni lire ni l'anglais. Un étudiant nous indique le chemin nous décidons d'y aller à pied. Des échoppes magnifiques défilent sous nos yeux, des vendeurs de poignets, de grillages et d'outils se succèdent. La nuit s'installe progressivement. Je me sens vraiment de plus en plus mal. Dans les autres quartiers, les regards qui font de moi une gourmandise me gène, ici les regards me fuient. On ne m'ignore pas, on me rejette, je me sens intrus, je me sens étrangère. Toutes les trois nous continuons notre progression vers la grande mosquée, Yves où es-tu merde! Arrête de prendre des photos et fait ton coq un peu! 


Les cerfs-volant ponctuent le ciel, nous arrivons enfin, le muezzin lance son appelle à la prière, il est 19h. Nous nous voilons la tête et commençons à nous déchausser 'It's closed." Et merde, on a fait trop de shopping! Partons d'ici, j'étouffe, j'étouffe partout à Delhi.

Retour dans le métro. Sur le chemin je repense à cet homme, j'ai l'impression d'être dans un autre espace temps que celui que je côtoie en France. Jamais je ne pourrai y voir un tel spectacle de négation de la vie et puis en y réfléchissant je me rappelle ces scènes hivernales qui ne vont pas tarder à faire leur grand retour, les SDF que l'on retrouve morts, gelés. Je ne comprend déjà pas que ce genre de scène soit envisageable en Inde, mais ça me révolte de me rendre compte qu'une société aussi riche et soit disant égalitaire qu'est la notre puisse laisser de telles horreurs arriver. Je m'étais promis que je ne me cantonnerai pas à une comparaison entre l'Inde et la France mais là je ne peux pas m'en empêcher.

Nous sommes samedi, dernier jour de tourisme pour moi, enfin, demain je retrouve Vishal mon colocataire.
Nous dormons plus tard pour changer. Au petit-déjeuner, Suzanne me dit que le visage du mort lui est revenu pendant la nuit, même si je n'ai pas d'image de lui, j'ai l'impression de ne plus penser à autre chose. Nous partons ensuite à Dilii Haat. Un petit marché fermé où nous trouvons même une petite terrasse pour prendre un coca. Quelques épices dans le sac, c'est tout ce qui nous manquait.



Retour sur le grand boulevard, un petit coup de métro jusqu'à Qutub Minar. Le quartier qui sera bientôt le mien. Nous décidons que nous allons aller manger dans un quartier près de là. Après ce qui nous a semblé une éternité en pleine chaleur tropicale nous arrivons près d'un hôpital. On en peut plus, vite un tuc-tuc! Et au bout d'un moment de liquéfaction et de broyage de quelque chose pour Yves qui avait Suzanne sur les genoux, l'auto-rickshaw nous laisse sur le bord de la route. Derrière un mur blanc immaculé se cache un petit village pour riche. Nous mangeons un bon repas dans une ambiance de laquelle nous ne voulons plus. Trop de contrastes, trop de manque de considération, trop peu d'humanité. 


Nous allons pour rejoindre le Qutub Minar et nous sommes attirés par une petite épicerie fine aux portes du village d'ivoire, ils vendent du Monin! Non mais franchement! On trouve du Monin à Delhi!! C'est trop cocasse! Nous en achetons une petite bouteille pour notre hôte, à la Grenadine! Et en plus ce n'est pas plus cher qu'en France! Vraiment bizarre cette épicerie!

Un petit coup de Rickshaws et nous voilà au parc. Poumon de verdure au milieu d'un bain de pollution. Un minaret de 42m de haut se dresse gracieusement au milieu des ruines de l'ancienne mosquée. 


Je m'y sens un peu comme dans le forum à Rome, une espèce de lieu figé dans le temps qui a su garder toute sa majesté. La visite se passe bien, nous en profitons pour prendre notre temps, puisque Vinay n'est pas là pour nous presser. Un groupe de jeunes indiens s'approche de moi et me demande une photo, j'accepte. 


Ils sont huit, peut-être plus et ils passent chacun leur tour avoir un cliché avec moi, il me passe la main dans le dos, s'échangent leur lunettes de soleil pour prendre la pause. Je me sens un peu comme Miss France, enfin comme j'imagine que ça doit être, je suis mal à l'aise bien sur! 

"Bah, dit donc ça va se palucher grave ce soir sur ta photo!"
Merci Yves, grande classe!

Ils sont contents, pourquoi est ce que j'ai cet effet sur eux? Nous continuons notre déambulation. Un père de famille m'arrête, des photos encore, il me colle son bébé dans les bras, il a manifestement très peur de moi. Le ciel se couvre, l'air humide se charge d'électricité, il ne nous reste plus beaucoup de temps. La visite touche à sa fin, un autre groupe de jeunes hommes nous arrêtent de nouveau, encore des photos, pas seulement pour moi, maman et Suzanne ont également droit à quelques clichés. Je les sens moins agréable que les derniers mais ils ne sont pas méchants. 


Un car d'espagnols prend la pause avec une famille indienne, rencontre d'étrangers, occidentaux et d'indiens. Il n'y a pas vraiment de peur de l'étranger, mais plus de la fascination, un sorte de passage exotique rajoutant de la valeur, de l'authenticité à ce voyage, semble-t-il... La famille assailli par les espagnols se dirige vers nous pour de nouvelles photos! Je crois que je n'ai jamais été autant prise en photo en si peu de temps. 


Quel est le mythe de la femme occidentale pour les indiens, les enfants, les femmes, les hommes, les jeunes et les moins jeunes, tous ont se regard sur moi, ce regard que je ne comprend toujours pas.

jeudi 15 août 2013

Triangle d'or J.2 & 3

Nous quittons donc Agra, direction Jaipur. Après 2h de route, Vinay nous arrête à Fatehpur Sikri. Le matin même il nous avait déconseillé de prendre un guide pour la visite du Taj. Ce dernier, commandé par l'agence, était à 7h à l'hôtel prêt à partir avec nous, avant qu'on l'envoie balader, ce qui manifestement ne doit pas arriver souvent! Bref nous arrivons donc à un autre monument à visiter. En sortant de la voiture plusieurs guides nous sautent dessus. Encore une fois sur les conseils discrets de notre chauffeur nous les repoussons. Nous suivons un chauffeur d'auto-Rishaw pour atteindre le cite. À l'arrière son petit frère nous fait de l'oeil et nous parle en français, il doit avoir 9ans "Je n'aime pas mon pays, je veux partir en France." C'est bien ça, ça nous met en joie pour la journée. 



Au moment de monter dans le véhicule, une altercation éclate entre notre jeune conducteur de 17 ans et un de ses collègues. Descente au pied d'un bâtiment imposant, un nouveau guide avec une chemise jaune et bleue totalement improbable nous prend en charge, Vinay a donc choisi de prendre un guide finalement.


Après avoir enlevé nos chaussures nous pénétrons dans l'enceinte de ce qui s'avère être une grande mosquée le lendemain de la fin de l'Aid, des stigmates des festivités teintent la place. Petit tour express' du lieu, les enfants nous tournent autour pour nous vendre des souvenirs, le guide les chasse. Il nous explique le lieu et surtout qu'ici on peut faire des voeux en accrochant des rubans. C'est d'ailleurs ce qu'ont fait Carlita et Sarkozy quand ils sont venus et que c'est grâce à ça qu'ils ont eu leur bébé... Merci guide, je suis ravie de le savoir! En passant sous les arcades, Yves marche sur une tombe et se fait gronder par notre Vinay... C'est pas possible Yves, tu nous les feras toutes!! Encore une fois nous payons pour faire une offrande, mais cette fois-ci nous avons droit à un voeu, CHIC! Une impression de déjà vu pas du tout agréable, nous repartons. Prochaine étape Jaipur.

Les heures défilent et au fond de mon siège dans la voiture j'ai l'impression que le temps est suspendu. Nous passons le péage pour rentrer dans le Radjastan et donc nous arrivons bientôt à destination. La voiture empreinte un tunnel puis en plein milieu Vinay s'arrête... pour se changer comme ça en plein milieu d'un tunnel avec une forte circulation, bon il a pensé à mettre les Warning, c'est déjà ça! Comment est-ce qu'on a bien pu faire pour ne pas éclater de rire, en y repensant plus tard on s'est bien rattrapé! C'est magnifique, la ville rose tient toutes ses promesses. 

Le lendemain nous profitons de Jaipur. Vinay nous entraine dans une journée de folie. D'abord un peu d'attraction exotique avec une petite balade à dos d'éléphant dans le fort d'Amber. Magnifique cité au coeur des montagnes. Face à elle une petite muraille de Chine mais Moghole baignée dans une brume de mousson! Ça sent quand même bien l'arnaque à touriste et c'est vrai que même si c'était fun, j'étais très mal à l'aise. Je ne sais pas si c'est le fantasme de ce que peut être la vie misérable de ces hommes et de ces éléphants qui passent leur journée à faire faire un tour aux touristes qui me gène ou si c'est une accumulation d'émotions.



En tout cas même si Vinay nous a fait visiter cette petite pépite à vitesse grand V, surement poussé par ses obligations professionnelles, nous avons pu en apprécier toutes les richesses. Nous avons même eu droit à un Tika et à un collier de fleurs. Bon normalement on a droit à tout ça qu'une fois qu'on a prié mais bon!







Petite pose dèj' puis RDV dans les joyaux de Jaipur. Cette ville est mondialement connue pour la taille des pierres précieuses et semi-précieuses. Evidement nous avons encore craqué! 


Et comme si on avait pas assez dépensé de Roupies, nous faisons ensuite une halte dans un magasin (sur 3 niveaux) de textiles. Le marchandage encore et tout le temps pour la moindre chose, ça devient exténuant.



En arrivant ensuite au City Palace, un nouveau charmeur de serpent... J'adore! Dans ce lieu il y a une école, un collège vraisemblablement. Un petit spectacle de marionnettes attend les élèves sur le parvis de la place. Tout le monde se prend au jeu, les enfants crient quand le faux serpent articulé attaque la princesse! Le jeu du public fait totalement partie de ce qu'est ce spectacle. Encore un lieu sublime mais totalement encré dans l'Inde de la colonisation, et du coup très différent de tout ce que nous avons pu voir jusque là avec un petit musée des armes de toutes beauté qui respire le romantisme. Le ciel se couvre...



La visite s'est terminée à temps. La pluie se déchaine, en quelques minutes les rues se vident de toutes leur population, humaine ou animale. Chaque axe se transforme en rivière. Des enfants se mettent en sous-vêtements pour se baigner dans ces flaques géantes où se mêlent eau de pluie, détritus et égouts.


 Demain, nous serons de retour à Delhi, chez le Colonel.

mercredi 14 août 2013

Le triangle d'or. J.1

Je ne sais pas trop par où commencer. Plus les jours passent moins j'arrive à savoir ce que je ressens. Je ne pensais pas qu'il pourrait exister un endroit si contrasté, si oxymoré (oui je sais ça ne se dit pas!). Ce qui m'a été donné à voir durant cette escapade a été délicieusement horrible et affreusement magnifique. La beauté est partout, dans les couleurs et les matières, dans les tenues, dans l'art de l'accumulation, dans l''artisanat, dans les sons, dans les gouts... bon pas dans les odeurs par contre! Et cette beauté si envoutante subsiste au milieu de tellement de choses indescriptibles que j'ai beaucoup de mal à appréhender autrement qu'à travers la comparaison que font mes yeux occidentaux. Je me pose la question de la restitution de cette expérience que je suis en train de faire. Comment je peux faire pour être juste, fidèle à ce que je vis sans tomber ni dans le (post)colonialisme, ni dans le désarroi, ni dans la futilité touristique. Alors pourquoi faire une restitution? me direz-vous : pour ne pas oublier.

Bref, je commence donc à être un peu désarçonnée  à mon avis ça ne fait que commencer. Tant que je ne suis pas plus occupée, retournons à nos occupations touristiques!


Nous avons donc retrouvé notre chauffeur : Vinay. Un homme indu de 38ans, espiègle, droit et préoccupé. À chaque fois que nous passons en voiture devant un temple Hindu, Vinay lâche le volant et touche sa statuette de tableau de bord en lançant une prière furtive top sécurité surtout au vu de la conduite indienne... Pas très rassurant mais nous avons fini par ne plus le remarquer. Bon par contre il rote tout le temps, tout à fait normal en Inde, et ça on peine à ne pas y accorder d'importance enfin surtout parce qu'à chaque fois on a envie d'éclater de rire! Non l'Inde ne nous rend pas du tout puériles! Nous quittons donc Delhi vers Agra. Pensez à l'image que vous vous faites du Taj Mahal, oui vous voyez, la chaleur, l'encens, les milles et une nuits... oubliez tout ça, oubliez toute cette fantasmagorie, rien de tout cela n'est réel, à part la chaleur. Nous quittons donc Delhi à 7h, et pendant une heure nous avons vu défiler devant nous un spectacle inqualifiable, inimaginable. Je crois que les photos peuvent en donner un aperçu mais multipliez ça par 1000 et vous approcherez de quelque chose qui pourrait ressembler à la réalité. 


Le courant passe bien entre nous et Vinay. Il nous propose une visite en extra, une visite de temples à Matura. Il gare la voiture, nous fait descendre et nous rencontrons un homme  armé d'un bâton d'environ 65 ans, ce qui est assez rare ici, il doit être une figure d'autorité de ce petit village qui dénombre pas moins de 500 temples. Il nous emmène voir au pas de course le premier temple en pierre rouge, je retrouve un peu de l'Alsace! Les singes sont là, ça grouille, ils sautent de maison en maison, se trainent sur le parvis et dans le temple.


"Enlevez vos lunettes, les singes les volent"
-Bon plan ça avec un soleil de plomb et 4 taupes qui ne voient rien à 1m... On va pouvoir profiter de la visite!-


Nous traversons donc à toute vitesse cet édifice avec quelques infos : avant il faisait 7 étages et maintenant plus que 4, toutes les statues ont été décapitées, tout ceci est l'oeuvre des Moghols si mes souvenirs sont bons. Il donne un coup de bâton vers les singes en criant en indi. 10 roupies pour le gardien des chaussures. Les fidèles nous observent, ils nous tournent autour, nous approchent. Un nouveau coup de bâton et un mot en indi cette fois-ci vers les gens. Restons donc touristes au milieu de tout ceci, une photo.


Vite, vite. Direction le deuxième temple. On traverse les petites rues sinueuses en file indienne (!!) au milieu des échoppes  des gens assis par terre, des égouts à ciel ouvert, des motos et des singes. Avant d'entrer dans le deuxième temple on se déchausse de nouveau. -Qu'est ce que j'ai bien fait de prendre mes tongs... Huguette, tes problèmes de bourgeoise on s'en tape!- Sous nos pieds des centaines de plaques de marbre avec des noms gravés recouvrent le sol et remontent le long des murs. À côté du tas de chaussures un petit stand de collier de fleurs, nous en prenons chacun un "ten roupies". Avec Yves on se regarde et ne sachant pas quoi faire on commence à se les mettre autour du cou. Quel bande d'andouille "It's not for tourist, it's for Krishna!" Je me disais aussi on est pas à Hawaï! Ce temple si n'est pas vieux en tout cas beaucoup moins que le précédent. Nous avons droit à l'explication de tout un pan de la vie de Krishna que je ne vous referai pas je pense que j'en oublierai la moitié et sans le contexte il manque quelque chose! Nous passons de pièce en pièce pour arriver dans un cul de sac. Un homme enrubanné est assis en lotus sur une sorte de marche en marbre avec en fond un rideau en paillettes accroché maladroitement, le guide nous force à nous assoir dans la même position. Les plaques avec les noms recouvrent toujours l'intégralité du lieu. L'homme lotus nous déblatère tout un discours spécial "épatons les occidentaux". "C'est votre jour de chance, aujourd'hui Krishna est là juste pour vous!"... Il enlève le rideau dans un geste magistral d'un coup de main toujours dans sa posture initiale. TADAAAAAA! Apparait alors un amas de breloques qui brillent (comme quoi la lumière à vraiment une dimension liée au spectaculaire... bon là ça a fait pchit!) deux statues noyées par tout ce fatras! 

"Huguette, ne regarde pas les autres, vous allez exploser de rire, ne regarde pas Yves surtout!"

Encore un peu de blabla fanatique, et un mystère s'éclaircit : les noms ne sont pas des tombes ce sont de noms de donateurs! Ça y est on va parler argent...CHIC! L'homme nous déballe alors tous les tarifs des donations, 3000 roupies pour avoir sa plaque ce qui porte bonheur à la personne et à toute sa famille. On se regarde tous les 4 sans trop savoir quoi faire. Suzanne sort un billet de 100 roupies, je le donne à l'homme Lotus, "Et les autres?" bon on a plus vraiment de liquide, on se sent un peu en otage, on est mal à l'aise. Je n'ai plus rien. "Vous pouvez faire une donation en euro aussi!"...Ah bah penses-tu! Je sors alors 4€ que je lui donne. Les deux hommes se regardent, disent quelques mots d'indi -on a du se faire rhabiller pour l'hiver! Le lotusman nous tend une poignée de sucre en cristaux macéré dans je ne sais quoi -Allez! C'est parti pour une petite tourista!- et le guide reprend sa cadence. Retour dans la salle précédente un homme nous fait nous pencher dans un petit autel avec de la magie : l'infini des miroirs en face à face, puis il me met un tika sur le front. Je me retourne un autre homme veut que je participe - et donc que je paie - à un autre rituel. Les autres sortent. Je les rejoins à toute vitesse. Vite partons d'ici. Nous retraversons le village dans lequel j'étouffe. Nous retrouvons Vinay. Notre guide à qui nous venons de filer quelques roupies et lui échangent quelques mots, on va être mal vu par notre chauffeur, c'est malin, ils font chier ces français, ils veulent pas raquer!...

Quelle épreuve cette visite! Ce sentiment est assez difficile à expliquer et à analyser. Nous sommes choqués mais par quoi? D'avoir été pris pour des vaches à lait, pour de bêtes curieuses? Par les singes, les regards des fidèles, les enfants qui nous tournent autour? De la vision de tout ce que la route précédemment nous a imposée? Sans pouvoir vraiment le nommer, nous sommes en route pour Agra, complètement hébétés les yeux dans le vide et écoeurés par ce gout de sucre dégueu qui ne veut pas s'estomper... 

Nous arrivons à la ville la plus fantasmée de l'Inde, enfin surtout pour le Taj Mahal! Les singes sont partout, les vaches et les chiens aussi. L'hôtel est pas génial mais comparé à ce dans quoi les gens vivent, il n'y a même pas de comparaison envisageable. Vinay nous emmène visiter le mini Taj. Comme d'habitude nous nous retrouvons dans un lieu magnifique et majestueux au bord de la rivière Yamuna. Des petites filles parées de mille couleurs dansent autour de nous et nous regardent avec des yeux brillants. Nous nous baladons dans le parc, un homme nous court après, Suzanne le reconnait il l'a déjà abordée à l'instant. Il ne parle pas anglais et de son indi nous comprenons qu'il veut nous prendre en photo. Nous l'accompagnons jusqu'à sa famille, trois femmes magnifiques nous regardent approcher, ravies. Les enfants eux ont l'air d'avoir peur de nous. 



Les femmes passent les unes après les autres avec chacune de nous pour prendre la pose sous les objectifs des autres membres de la famille. Nous ne parlons pas la même langue, mais nous communiquons avec ces femmes qui nous dévorent des yeux et que nous trouvons splendides. C'est un sentiment très étrange, juste parce qu'elles ont une photo d'elles avec nous, elles sont heureuses...



Vite, vite Vinay nous attend! Il nous emmène ensuite dans un autre de ces endroits 'spécial touriste'. Des hommes nous montrent ce travail d'une extrême minutie qu'est celui du marbre. Cet art est né ici. Sur la route et partout dans la rue nous voyons des vendeurs de marbre. Comme d'habitude leur discours est très rodé et à toute épreuve. Le vendeur, portait indien de Gérard Jugnot jeune nous vend son produit comme étant le même que celui du 'taAz mAhAl' (avec un gros accent). Les prix changent selon leurs envies. Suzanne achète une petite boite très belle, que nous retrouverons un peu plus tard moins cher ailleurs alors que comme à chaque fois le vendeur nous certifiait une très bonne affaire... Nous sommes bien naïfs! Nous sortons de là encore saouler par cette journée sans fin. Un petit tour à l'hôtel, je suis la seule à avoir le courage de me baigner dans cette eau! Le surveillant de la piscine me certifie que je peux me baigner en bikini, que ça ne pose pas de problème du moment que j'ai un haut et un bas! 

-"Bah oui mon gars je vais pas me baigner topless dans un pays qui craint autant pour les femmes!"-



Nous retrouvons Vinay, qui vu l'état dans lequel il est n'a pas du chiquer que du tabac ordinaire! Petit tour dans un resto très charmant un peu moins kitsch que les autres, Thali collectif, une petite bière sur la terrasse de notre chambre et au lit, nous nous levons dans cinq heures! 

Petit déjeuner occidental, et hop en voiture! Go to Taj Mahal! 




En arrivant à Vinay me demande de l'accompagner pour prendre les tickets. Il voulait que je l'accompagne pour lui proposer de venir avec nous. Nous lui offrons donc sa place. Et nous visitons le Taj. 

Je n'ai pas grand chose à dire sur cette visite. J'y ai ressenti un peu la même chose qu'en voyant la Joconde. Trop d'images et d'imaginaire tuent la surprise. Toutefois ce lieu garde sa magie.



Ok ce n'est pas très original mais je pourrai l'ajouter à ma collection, avec le Golden Gate et la tour de Pize!



Nous reprenons la route, direction Jaipur. Ici j'étouffe, partons.

Je ne sais pas trop quoi penser. Je suis complètement perdue, et je pense au fond de la voiture. Je pense qu'on ne peut se comprendre sur tout. Qu'il nous manque des codes, des mots.
La douleur de l'état dans lequel tout ceci nous met est totalement mis à mal par les rencontres merveilleuses que nous ont offerts les indiens sur lesquels nous sommes tombés. Les regards ici me renvoient une image dont je ne soupçonnais pas l'existence  Ici, je suis une bête curieuse, je fais peur, j'étonne. Certains enfants et beaucoup d'hommes surtout de mon âge me donnent l'impression d'être la 8ème merveille du monde ce qui n'arriverait jamais en France soyons réaliste je suis bien loin des canons de beauté et je vis très bien comme ça! Mais ici c'est vraiment différent, il semblerait que les femmes blanches, blondes aux yeux bleus sont un idéal. Je risque d'être bien désarçonnée en rentrant! Ici, mon rapport à mon propre corps est totalement différent, je n'ai pas à me battre avec les tailles pour trouver quelque chose qui me va. Tout se porte ample c'est plus simple! Je vois de l'envie dans les regards que je croise même si je prend gardes à ne pas provoquer. Tout ceci rajoute à mon impression d'incompréhension du monde dans lequel je suis immergée. Attendons la suite...

Je crois ne pas me tromper en disant que je pense que beaucoup de gens autour de moi n'ont pas compris mon désir de venir dans ce pays. Ce n'est pas comme si c'était le rêve de toute une vie même si depuis un an et demi j'ai tout fait pour monter ce projet, sans en comprendre l'origine. Aujourd'hui j'ai compris quelque chose. Dans mon travail je suis à la recherche d'un théâtre de la sensation comme je l'appelle, un théâtre qui ne pourrait pas se raconter, qui ne pourrait pas être capté, dont on ne pourrait pas garder de traces. Un théâtre qui serait seulement fait pour être éprouvé. Je crois que c'est cette expérience que je suis en train de vivre. Même si c'est un peu réducteur de parler comme ça de mes recherches, je crois que me coltiner un exercice de restitution si complexe ne peut que m'aider à savoir où je veux aller. Peu importe l'exactitude de mon récit je ne pourrais jamais vous restituer ce que je vois ici, ce que je ressens.