jeudi 26 septembre 2013

Untitled.

Après Namrata, je vais vous présenter Rahul. Il a 21 ans et émane de lui de la passion pure. Dès qu'il se met en mouvement la pièce s'anime, apparaissent alors dans le studio vide des centaines d'images. À chaque mouvement, un nouveau monde s'ouvre et se referme aussitôt. Ses pieds au sol semblent puiser de l'énergie dans entrailles de la Terre, cette décharge frénétique le rend vivant et cette ardeur fait naitre en lui la grâce. Je suis seule face à lui et ma caméra essaie de capturer et d'enfermer cet instant de voyage mental qu'il me fait vivre. Son point de départ pour ce projet est le jeu d'échec. 

Il se meut et incarne à tour de rôle les différents pions. À chaque changement de personnage son corps se métamorphose, son visage se transforme. Je suis transportée par tant de beauté et de créativité. Ses mouvements sont précis, forts et délicats. Sous l'impulsion de son corps le plancher vibre jusqu'à moi. Un frisson me traverse alors. C'est la seule conscience que je peux avoir de la matérialité de mon corps, mon esprit lui est déjà loin. Comme dans un rêve, je me laisse bien volontiers aspirer dans ces images auxquelles je ne comprend pas tout et qui ne découlent pas seulement de mon propre imaginaire. C'est le résultat de la rencontre de mon inconscient et du vocabulaire corporel de ce jeune artiste. Quelle chance j'ai de pouvoir m'abandonner à des artistes si singuliers, présentants une telle qualité de créativité. Je n'ai pas l'impression d'être très utile ici, mais réflexion faite j'ai un rôle clé, privilégié et indispensable : je suis le cobaye. Ils m'offrent à tour de rôle l'évolution de leurs recherches. Et je n'ai qu'à être là et à vivre ce petit fragment de temps qu'ils mettent à ma disposition. Je suis comme un notebook dans lequel ils consigneraient leurs inspirations, leurs questionnements et leurs idées. Ce n'est pas si évident, ce rôle d'observateur. Je dois m'abandonner à chacun d'eux, ne penser à rien d'autre qu'à ce qu'ils m'offrent. Et dans un monde où tout n'est que découverte et remise en question pour moi, la première minute d'observation me demande toujours une concentration extrême jusqu'à ce que je me laisse happer par la magie.

Dimanche, j'ai accompagnée Namrata au studio, elle avait un rendez-vous avec Maya, l'une des mentors. Maya doit avoir 70 ans, toujours très élégantes dans des saris chatoyant qui laissent apparaitre les plis de son ventre. Une natte blanche court à l'infini le long de sa colonne vertébrale. Sa voix est grave et derrière ses lunettes ses yeux brillent de fierté pour ces danseurs. Lorsqu'elle parle tout le monde l'écoute avec un respect sans faille et de sa bouche ne sort que la pertinence de l'expérience. Elle a de l'embonpoint voluptueux et une vivacité surprenante mais qu'elle n'utilise jamais gratuitement. Namrata lui montre quelques instants  d'émotion. Maya reste un moment à l'observer en silence. Les deux femmes se regardent avec beaucoup d'intensité comme si elles n'avaient plus besoin des mots après cette démonstration corporelle. Elle finit par délivrer ses impressions, ses sentiments. Ses mots sont précis et justes, sans fioritures. Les yeux de Namrata s'illuminent d'admiration pour son ainée. Elle doit chercher d'avantage de niveaux d'émotions, différentes qualités de sentiments entre l'intérieur et l'extérieur d'elle même. Dit comme ça, ce n'est pas très précis, c'est quelque chose à vivre, quelque chose auquel il faut assister pour pouvoir l'appréhender. Peut-être que bientôt l'expérience sera si forte et singulière que les mots me manquerons.

La résidence est bien entamée maintenant, il  ne nous reste plus que quatre semaines. Les choses sérieuses commencent donc. Après une visite la semaine dernière du théâtre où auront lieu les représentations, cette semaine les danseurs se prêtent à l'exercice de la séance photo. 


Le photographe les dirige un à un. Les danseurs sont un peu pris de court, cette séance est prématurée par rapport à l'avancement de leur travail. Ils ne sont pas tous prêts ni très à l'aise. Le technicien lumière s'ennuie, je donne quelques indications mais je ne veux pas m'imposer. Je donne aux danseurs l'opportunité de faire leurs choix, d'essayer, de se tromper. Je reste dans un coin pour prendre des photos, pour observer. Après deux heures de shopping, ils sont fatigués mais gagnés par un nouvel élan de créativité. Maintenant je vais pouvoir parler avec eux, être plus précise. Depuis plusieurs semaines j'ai déjà mes lumières en tête pour chacun d'eux. Maintenant qu'ils ont vu, qu'ils ont des envies et des idées nous allons pouvoir créer.



Je ne suis pas ici uniquement pour travailler et comme dit mon grand père "Dis donc tu fais pas un peu trop la nouba?!" Et bien je t'enquiquine et je vais continuer à boire de la Vodka!
Vendredi soir, Sabina fêtait son anniversaire. Une fête sur le toit, j'adore! Je ne vais pas vous raconter ma soirée avec mes potes, ce n'est pas d'un grand intérêt! Mais j'ai vécu un moment spécial. À 5h du matin nous n'étions plus que quatre vétérans, les yeux embrumés par l'ivresse à regarder le ciel se teinter progressivement d'ocre et de rose, les tous premiers rayons du soleil fuyants à travers les nuages. Un silence parfait. Sans klaxon, sans oiseaux ni chiens. Rien. Un instant rare à Delhi. La rosée rafraichissante et la brise matinale apaisent le feu de l'alcool. Un moment parfait de plénitude total. Nous sommes restés un moment allongés, les yeux perdus au loin à juste profiter de ce moment de paix. Le retour à la réalité s'est fait en douceur. Autour de nous, les muezzins se sont mis à chanter. Il était l'heure de prendre le premier métro.

2 commentaires:

  1. "les yeux embrumés par l'ivresse à regarder le ciel se teinter progressivement d'ocre et de rose, les tous premiers rayons du soleil fuyants à travers les nuages"
    Vous auriez pas fumé un pet aussi par hasard?

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