jeudi 10 octobre 2013

Golden Shadow.

Il m'a fallu vivre deux mois ici pour trouver ma routine, pour que mon quotidien s'installe. J'ai l'impression de dire ça toutes les semaines depuis un mois! Des choses qui m'étonnaient, qui me choquaient à mon arrivée deviennent peu à peu invisibles. J'oublie la misère et la douleur des corps émaciés vivant au bord de la route. 


Les chiots errants m'émeuvent d'avantage et les bébés "humains" à moitié nus recouverts de crasse sachant à peine marché et slalomant entre les voiture se fondent dans cette cacophonie urbaine pour finir par ne plus être visible à mes yeux. Est ce que je serai en train de perdre mon humanité, mon empathie? Ou peut-être que je devient un peu indienne… Je pense qu'inconsciemment c'est la façon que j'ai trouvé pour ne pas me laisser aspirer dans cette spirale dévastatrice qui résulte de la pitié. C'est surement très égoïste et plus facile mais je n'arrive pas vraiment à faire autrement. Ça m'étonne quand même que mon regard est pu évoluer de la sorte. 


Malgrè toutes ces choses si difficile et horribles dont je suis témoin tous les jours, je suis triste que mon séjour touche à sa fin. Je sens que j'ai besoin de plus de temps. Plus de temps pour connaitre les gens que j'ai pu rencontrer, plus de temps pour essayer de comprendre un peu mieux ce monde qui me parait de plus en plus familier au fil des jours. Je n'ai pas le choix, et je commence déjà à faire des projets en France pour les jours qui suivent mon retour, pas de pauses pas de soupapes on replonge direct dans le grand bain. Quentin et Diane arrivent demain. De nouveaux yeux, de nouveaux esprits pour insuffler un nouveau souffle. En attendant ma vie ici est bien remplie.

APARTÉ

Nous sommes le 4 octobre 2013, il est 2:47 et j'écris pour pouvoir peut-être trouver le sommeil. Shreya m'a appelé il y a un peu plus de deux heures, pour trouver quelqu'un à qui parler. Judith est morte. Elle était portée disparu depuis 27h. Je vous passe les détails sordides de cette découverte macabre faite par un conducteur de train dans une zones ferroviaire désertique dans une petite ville au sud de Delhi. Elle s'est suicidée, du moins c'est ce que disent les témoin, comment savoir? Qui croire? 
J'ai beaucoup écrit cette nuit là, sur la perte de quelqu'un, sur ce cette tristesse et cette compassion pour sa famille et ces amis. J'ai relu encore et encore mes textes de ce week end que nous avions passé ensemble à Amritsar. Et je me suis rendue compte que je ne vous avais même pas vraiment parlé d'elle. C'est vrai qu'une fois que les gens sont morts on a tendance à ne dire que des compliments, que des bons souvenirs. Je ne dérogerai pas à cette règle, non pas par hypocrisie ou nostalgie mais parce que je ne la connaissais pas suffisamment pour trouver des choses négatives à dire. Elle était belle avec le teint clair. Elle avait 19 ans. Je me souviens de son accent et de sa diction quand elle me parlait en français, levant les yeux au ciel et plissant sa bouche en coin lorsqu'elle cherchait un mot. Son large sourire qui dévoilait une dentition parfaite et ses yeux, ses incroyables yeux bleu, pétillants de curiosité et de vie. Je me souviens d'elle assise sous les arcades les yeux rivés sur le temple doré, son foulard bleu sur la tête, une image parfaite de pureté et de bien être, une madone. Voilà c'est cette image d'elle que je veux garder. 


En quittant Amritsar elle m'avait donné 1000 roupies pour que je puisse payer mon billet de bus. Je n'ai pas eu l'occasion de la revoir depuis. Je lui devrais toujours 1000 Roupies.
L'Inde m'aura aussi appris ça. Faire face à la perte, au deuil. Et même si cette situation est terriblement accablante, je suis étonnée de la sérénité que j'éprouve fasse à la mort. La philosophie hindou m'aurait-elle contaminée? Dans la voiture un matin, je fais part à Namrata de mes sentiments fasse à la disparition de Judith. Je connais l'histoire, ce qui lui est arrivé, je sais que c'est vrai, cependant je n'arrive pas à croire que ce soit réel. Elle m'explique que ça ne l'est pas. Que même si son corps n'est plus, elle est quelque part. Je ne crois pas à la réincarnation. Mais ici ça me semble moins absurde.

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C'est pour cette raison que je n'ai pas écrit depuis longtemps, mon texte était prêt mais moi je ne l'étais pas.

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