vendredi 8 novembre 2013

Game over.

Je me réveille difficilement, un fort bourdonnement me dérange. Je ne me suis même pas aperçue que nous avions déjà décollé. Mon voisin septuagénaire se moque bien de savoir s’il me gêne ou non. Après avoir pianoté sur son écran, jouant avec les variations de lumière qui me martèlent les paupières, il ne trouve rien de mieux a faire que d’allumer sa liseuse, attaquant son best-seller fraichement acquis lors de la visite duty free. Mon écran ne veut plus s’éteindre et le blanc scintillant de la page d’accueil finit de m’achever, alors que les ronflements généreux des sikhs bedonnants qui nous entourent, grondent, bourdonnent à mes oreilles. Ma nuit s’est terminée quelque part au dessus de l’Europe de l’Est, Odessa peut-être. Mon corps engourdi est perdu, flottant quelque part entre hier et aujourd’hui.

Il est déjà 9h à mon horloge interne alors que l’aurore est encore bien loin pour mes yeux. Une soupape de décompression spatio-temporelle. Un moment en suspend qui me permet de descendre quelque peu du perchoir d’émerveillement sur lequel je m’étais installée depuis ces derniers mois. Je pourrais comparer ce moment à ce que je ressens à la fin d’un spectacle, lorsque la magie se volatilise dans les dernières lueurs, que le noir se fait et que mon esprit, embourbé dans mes mondes imaginaires, est arraché à son errance par la brutalité des applaudissements.


Je reviens a ma réalité. Diane et Quentin repartent à Strasbourg, quant à moi je vais dans le Berry. Je m’accorde encore quelques jours de répit avant de revenir pour de bon. Dans le train qui m’emmène à Bourges, je m’aperçois, décontenancée, que même si de mon côté, j’ai mis ma vie entre parenthèses, sans moi tout a pourtant continué à avancer. Le monde peut évidemment se passer de moi, je ne suis pas indispensable, quoique…! Mais, inconsciemment, je pensais retrouver les choses là où je les avais laissées. De mon côté, le temps s’était comme arrêté, figé. Revenir brutalement à cette réalité me donne l’impression que ces dernières semaines n’ont pas existé. Comme un songe épicé qui se disloque au réveil.

Je suis dans le train -le Strasbourg Express- à relire mes textes, regarder mes photos pour essayer de comprendre ce qui m’est arrivé, pour tenter de mesurer cette chance que j’ai eue de m’accrocher à ce petit rêve. Faire le point, si c’est possible.


L’Inde a été une balade entre l’ombre et la lumière, entre deux mondes. Entre l’Europe et l’Asie. Entre la délicatesse et la violence, l’amour et le dégoût. J’y ai beaucoup appris sur moi et sur ma petite vie, du moins celle que je vivais jusque là. Je pensais découvrir une culture et des gens et, même si ça s’est produit, c’est moi que j’ai fini par trouver. Ils m’ont aidé à me découvrir, à me connaître davantage. J’y ai souvent été perdue pour mieux être sauvée. J’y ai été déroutée et enjouée, apeurée et émerveillée par ce magnifique enfer. L’Inde m’a retournée.

Elle nous change, c’est cliché mais, dans mon cas, c’est la réalité. Peut-être pas pour toujours, ma nature va surement finir par reprendre le dessus. Mais j’aimerais croire que jamais je n’oublierai ce qui m’a tant fait vibrer, que jamais je n’oublierai la magie et la beauté de ce voyage au bout de l’envers.

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